Accueil des enfants pauvres en crèche : le modèle grenoblois bientôt étendu à toute la France

L’instauration d’un quota de 10 % d’enfants pauvres accueillis en crèche, c’est ce qu’a annoncé lundi dernier, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors de la présentation des grandes lignes du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté. « A terme, les crèches devront accueillir la même proportion d’enfants issus de familles pauvres que ce qu’ils représentent dans leur commune« , avait-il précisé dimanche.

Pourquoi une politique des quotas ?
La législation actuelle, datant de 2006, impose déjà aux établissements d’accueil de la petite enfance de réserver 5 % de leurs places aux familles bénéficiaires de minima sociaux, sous réserve que les parents travaillent au moins quelques heures par semaine ou suivent une formation.
Les chômeurs sont donc exclus de ce quota. De plus, cette disposition légale est loin d’être respectée. Dans les faits, compte-tenu de l’insuffisance de l’offre d’accueil en crèche, les familles dont les deux parents travaillent sont souvent prioritaires, ce qui entraîne mécaniquement l’éviction de familles en situation de pauvreté. Ainsi, d’après une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS), en 2007, 4% seulement des enfants les plus pauvres étaient accueillis en crèche contre 16% des enfants les plus favorisés, en moyenne.

Grenoble, pionnière dans l’accueil des tout-petits issus des familles les plus modestes

Ce choix de donner la priorité aux enfants en situation de pauvreté, la ville de Grenoble l’a fait en 2006. Il faut dire qu’à Grenoble, ce sont près de 30 % des enfants entre 0 et 3 ans qui sont concernés, 10% de plus que la moyenne nationale.

C’est donc ce modèle volontariste qui a inspiré le gouvernement. Alors qu’en France, 9 familles défavorisées sur 10 n’ont pas accès à la crèche, la ville de Grenoble peut s’enorgueillir d’avoir largement dépassé le seuil minimal fixé par le gouvernement. « Après beaucoup d’efforts de communication et la création d’un pôle centralisant toutes les demandes, nous avons atteint le seuil de 30%« , expliquait Olivier Noblecourt, Vice-président du CCAS, aux journalistes d’Europe1.

La priorité donnée aux familles défavorisées poursuit un double objectif selon Michel Destot, maire de Grenoble, lors de son intervention au JT de 20 heures sur France 2 le lundi 21 janvier 2013 : « On donne la priorité à ce qu’on appelle des familles défavorisées, des enfants qui ont besoin de socialisation et puis des parents qui ont aussi besoin de retrouver du travail ».

Par ailleurs, des retards de langage sont fréquemment observés chez ces enfants. La période optimale de développement du langage se situant entre 0 et 7 ans et de façon maximale avant 3 ans, la Ville de Grenoble a aussi expérimenté et évalué avec l’aide d’experts scientifiques, un programme de renforcement langagier pour des enfants de 18 à 30 mois dans les crèches de zone urbaine sensible (ZUS) de Grenoble, le « Parler bambin ». Les résultats sont encourageants : « Ça a changé d’abord les compétences que développaient beaucoup d’enfants. Des enfants qui avaient un retard langagier ont rattrapé ce retard, voire même sont en avance. Donc, c’est une facilité qui leur est donnée, après, pour aller dans la vie, qui est considérable », précisait Olivier Noblecourt à la fin du reportage.

Les modalités de mise en œuvre de cet objectif de 10 % d’enfants pauvres en crèche seront précisées après concertation avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui conventionne et finance les crèches. Olivier Noblecourt suggère que « d’ici à quatre ou cinq ans, les crèches qui n’accueillent pas 10% d’enfants pauvres pourraient ne plus être conventionnées par la CAF. Du moins pour les plus grosses communes, comme dans la loi SRU. Et celles qui dépassent 10% pourraient, au contraire, bénéficier d’aides supplémentaires.« 

Nul doute que cette mesure gouvernementale va faire parler d’elle dans les jours et les semaines à venir. Pour être acceptée par l’ensemble de la population, au-delà du coût qu’elle pourrait représenter pour la collectivité, la question du manque récurrent de places en crèche doit impérativement être résolue, pour qu’elle ne soit plus pour un grand nombre de familles, synonyme de casse-tête voire vécue comme un véritable cauchemar.

 

Lire aussi cet article du Monde du 28 janvier 2013 : Face à la pauvreté, la politique du sparadrap