Droits des étrangers : les temps changent

L’Assemblée nationale a adopté le 23 juillet 2015 un projet de loi sur le droit des étrangers. Une disposition qui instaure une carte pluriannuelle allant jusqu’à 4 ans après un premier titre de séjour de un an.

Plusieurs mesures du projet de loi sur les étrangers ont été adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture mardi 23 juillet. La disposition phare de ce projet est la création d’une carte de séjour pluriannuelle destinée aux étrangers en situation régulière après un premier titre de séjour de un an.
Présentée il y a un an en conseil des ministres, la loi de Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur, cible trois objectifs : « améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour », « renforcer l’attractivité de la France en facilitant la mobilité des talents internationaux » et « lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière, dans le respect des droits fondamentaux ». Une loi mal vue par les députés de droite et de l’extrême droite qui dénonce le « laxisme » du gouvernement en matière d’immigration.

Faciliter les étrangers et l’administration préfectorale

On compte aujourd’hui en France environs 4,1 millions d’étrangers. Soit 6 % de la population vivant sur le territoire français. Mais ils ne sont pas tous concernés par ce projet de loi car, près de 40 % de ces étrangers ont la nationalité d’un pays membre de UE et près de 2 % une carte de résident de 10 ans. Donc, ce n’est qu’environ 2,4 millions d’étrangers qui se voient concernés par cette loi. D’une validité de 2 à 4 ans, cette carte pluriannuelle sera accordée, aux étrangers en situation régulière, pour leur permettre « au bout d’un an de présence en France, plutôt que d’avoir pendant 4 ans, à aller chaque année et plusieurs fois par année en Préfecture pour accomplir des formalités », a déclaré le Ministre de l’Intérieur sur France Inter. Les titulaires de cette carte pluriannuelle pourraient ensuite demander la carte de résident de dix ans.
Et pourtant, pour la CIMADE et d’autres associations, dans un communiqué commun, dénoncent un texte qui « perpétue voire aggrave la précarité de la situation des personnes en situation régulière. La carte pluriannuelle, présentée comme une grande avancée, peut être retirée à tout moment, et l’accès à la carte de résident, seule garante de leur sécurité juridique , reste limité. »

Une immigration non-assumée

La France accueille chaque année près de 200 000 étrangers réguliers, soit environs 0,3 % de sa population. Une situation que déplore le député Les Républicains, Guillaume Larrivé, chef de file sur ce texte. Il qualifie la politique d’immigration du Ministre de l’Intérieur de « contraire à l’intérêt national » et propose un « plafond d’immigration ». Des propos jugés de « malhonnêteté intellectuelle » par Bernard Cazeneuve. Pour Erwann Binet, rapporteur de ce projet de loi sur les étrangers, « la France est un pays d’immigration » et elle doit « l’assumer » en affichant son côté « pays de droit de l’Homme ». Il critique par là l’accueil indigne des interminables files d’attentes que sont réservés les étrangers dans les Préfectures. Quant au « plafond » proposé par Guillaume Larrivé, le député PS du Nord-Isère ironise : « Vous allez dire aux Français de ne plus épouser d’étranger parce qu’on aura dépassé les quotas » .
Par ailleurs, cette loi renforce la lutte contre les fraudes aux titres de séjour. Ce « dispositif de communication à l’administration préfectorale », comme le nomme le Ministre de l’Intérieur, permet au Préfets d’accéder aux données bancaires, de sécurité sociale… du bénéficiaire de la carte pluriannuelle. Une mesure déplorée par les Écologistes et le Front de Gauche. Et pour Pour Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade : « C’est une atteinte à la vie privée et un acte de suspicion » .

Cette carte pluriannuelle de 2 à 4 ans est un véritable soulagement pour les étrangers qui, au moins deux fois par an, doivent passer à la case préfecture pour régulariser leurs situations. Un grand pas significatif pour eux que certaines associations trouvent insuffisant. L’avenir nous le dira.