La Fnars vient d’éditer le baromètre du 115 en juillet 2016 : 33 % d’attributions au niveau national contre moins de 20 % en Isère. Explications avec Francis Silvente, président de la Fnars Rhône-Alpes.
Comme chaque année, la Fnars publie les chiffres estivaux du 115 (numéro d’urgence hébergement). Et ceux-ci ont de quoi alarmer : – 34 % de places attribuées par rapport à la moyenne hivernale en juillet.
Au niveau national, plus de 89 400 demandes ont été faites au 115 et seulement 33% de ces demandes ont abouti à un hébergement.
Et la Fnars de préciser : « La situation est particulièrement critique dans 8 des 45 départements du baromètre (notamment le Rhône, l’Isère, la Gironde…) où le taux d’attribution est inférieur à 20% en juillet 2016. ».
Francis Silvente – président de la Fnars Rhône-Alpes – nous a donné des pistes pour expliquer les taux d’attributions extrêmement faibles en Isère. Si le nombre d’hébergements d’urgence reste insuffisant en Isère, d’autres paramètres viennent noircir le tableau.
115 : des modalités d’organisation différentes
D’un département à l’autre, la gestion des places du 115 peut varier. « Certains départements appliquent le principe de continuité : lorsqu’une personne rentre, elles reste dans l’hébergement jusqu’à ce qu’une solution adaptée lui soit proposée, c’est le cas d’une grosse partie des places en Isère ainsi que dans le Rhône. D’autres structures, par contre, vont accueillir les personnes durant 3 jours. Tous les 3 jours, les personnes vont devoir refaire une demande : tous les 3 jours, elles obtiendront une nouvelle réponse positive. Les chiffres sont faussés, car les personnes continuent de rappeler ».
Des personnes « coincées dans le dispositif »
Si les chiffres traduisent des réalités de fonctionnement différentes, ce n’est pas la seule explication aux bas taux d’attribution. Pour Francis Silvente, » Le problème, maintenant, n’est pas de créer des places d’urgence, mais de créer des solutions pour les personnes qui sont coincées durablement dans l’urgence […] notamment les personnes ayant des droits minorés. »
Les droits minorés sont majoritairement liés à la migration. Pour Francis Silvente – qui s’exprime alors uniquement en son nom – la seule solution pour sortir de l’impasse est la régularisation des personnes sans-papiers.
Un système, parfois enfermant
« On se crée nos propres précaires » explique le président de la Fnars Rhône-Alpes en racontant le parcours d’une personne hébergée dans un dispositif d’urgence pendant deux ans, qui avait trouvé du travail et avait été relogée grâce à un titre de séjour provisoire. Son titre de séjour n’ayant pas été renouvelé, elle a été contrainte à retourner en hébergement d’urgence.
115 : une inconditionnalité toute relative
Même au niveau du 115, il peut y avoir une discrimination en fonction de la situation administrative de l’appelant : « Les 115 sont soumis à l’inconditionnalité : c’est la détresse sociale qui prime et non la situation administrative de la personne qui appelle. Or, un certain nombre de structures d’hébergement mettent en place des quotas »
Point positif : Un différentiel hiver-été en baisse
Il y a malgré tout des évolutions positives dans l’hébergement d’urgence : « L’État a fait un effort depuis 3 ans pour pérenniser des places d’urgence : des places qui ne ferment pas à l’issue de la période hivernale ou des places qui sont créées de façon pérenne (sous statut de centre d’hébergement valable 15 ans). Le second point positif, c’est que le 115 centralise l’ensemble des demandes (auparavant il existait un autre circuit d’attribution en Isère). Le différentiel entre l’hiver et l’été a diminué : en Isère, il représente une centaine de places en moins [….]. On peut regretter par contre la façon dont sont gérées ses pérennisations des places : lorsqu’on arrive à la fin de la période hivernale, des personnes ne bénéficient pas de la continuité de l’accueil parce que la pérennisation s’est faite au dernier moment. »
Et Francis Silvente de conclure « On gère l’urgence dans l’urgence en France, on est sur des à-coups liés à la pression des associations et du public. Il manque une dimension prospective qui pourrait intégrer la notion de l’accès aux droits. »