Le portable fascine et séduit par sa mobilité… Il se banalise chez les adolescents… Il est indispensable aux commerciaux et affairistes… Il est utile ou franchement superflu… Il inquiète aussi…
Allô ! T’es où ?
Élisabeth Badache
Quand la plus petite carie ou la moindre fièvre vous alertent… Quand on s’inquiète de cuisiner plus sain et que l’on proscrit les sucreries pour le bien-être de nos ados et pré-ados. Notre souci légitime de parent explose lorsque un intrus ose, au risque de bouleverser les règles de vie établies, s’immiscer et s’installer dans notre quotidien : de plus en plus petit, de plus en plus performant, de plus en plus sophistiqué, le portable a un look de gadget de mode et ses multifonctions sont des plus attrayantes (lire et rédiger des mails, jouer, écouter de la musique, photographier et enregistrer des vidéos, naviguer sur Internet, écouter la radio, etc.)
Devons-nous céder ou refuser le portable à nos ados ? Cette question est très controversée. Nous ne voulons en aucun cas que la relation devienne conflictuelle… puisque indéniablement, il fait partie de leur univers culturel. Seulement on redoute de voir son fils sortir de table en courant (le fautif en main) en rompant l’ambiance familiale.
Sa communication, où la notion du temps s’estompe, nous paraît excessive et nous questionne sur la négligence des études. Elle nous laisse perplexe par son langage verlan émaillé de keum (mec), tisor (sortir) ou reum (mère). Ses textos imaginés pour 1 G1 2 temps*… « J’V o cour 2M1* » alimentent notre crainte de naufrage pour son orthographe. Nous restons partagés même si le contact avec ses amis est essentiel à sa sociabilité, qu’en est-il pour le reste ?
Le plaisir de communiquer est certes bénéfique à son épanouissement, « Ma fille se sentait différente, seule, à ne pas posséder de portable » me dit une maman inquiète. Mais celui-ci a un coût, telle cette autre qui confirme : « C’est un trou dans le budget, chaque mois, je dois dépenser plus de cent euros, pour mes trois enfants, mon mari et moi-même. »
En parents responsables, sachez que l’usage de la téléphonie mobile est interdite dans les établissements scolaires ; que vingt médecins cancérologues renommés recommandent de l’interdire aux moins de douze ans ; que choisir un appareil à faible débit d’absorption spécifique* (ondes émises minimisées) est souhaitable ; que de nombreux forfaits bloqués ou contrôle parental sont des solutions pour votre budget…
À vous de voir ! Responsabilisons nos ados et déduisons de l’argent de poche leurs dépenses téléphoniques. Un système de cartes peut être une bonne solution pour la gestion de leurs appels.
Le choix nous appartient : une maman m’avoue : « Je travaille, les joindre ou être jointe est la raison essentielle de posséder un portable… cela me rassure ! » ou une autre, plus catégorique : « C’est non ! Je leur propose toutes sortes d’activités, et le portable, ce sera le plus tard possible ! »
* un gain de temps
* je vais au cours demain
* voir la liste sur site Internet fr.wikipedia.org
Les dangers du portable… juste un cerveau au micro-ondes ?…
Jean-Marie Delthil
Qui n’a pas été informé, aujourd’hui, que l’utilisation des portables était manifestement dangereuse pour nos neurones… réchauffait les cervelles… Une cervelle froide et inactive peut également être inquiétante et nous jouer de mauvais tours. Je m’explique : qui n’a pas été… surpris un jour ou l’autre, dans le métro ? le tram ? par la platitude et… l’insignifiance – osons le mot – d’un échange téléphonique tout à fait public et extrêmement urgent ! Voilà une malheureuse personne visiblement dérangée par le fait que son portable vient à sonner, et qui se jette tout de même dessus, avec délice et empressement. C’est ici, devant vous, une personne importante, débordée – n’en doutons pas – et dans sa grande patience, elle va daigner papoter durant quelques instants qui peuvent prendre valeur d’éternité : disons une demi-heure, une heure, et parfois plus… Sur le fait de savoir où l’autre, qui l’appelle, peut bien se trouver… – T’es où ? Où ce qu’elle peut bien être en train de faire… – Tu fais quoi ? où si Franck à pensé a dire à Morgane de prévenir Gilda de mettre un peu d’eau dans le lait du chat de Chloé, ou…, STOP ! C’est là que le cerveau peut se montrer froid, un peu flasque, et véritablement mis en danger : dans l’échange de ces paroles qui ne sont peut-être guère plus que des données, voire des banalités on ne peut plus ennuyantes pour le témoin qui n’a rien demandé.
L’homme communicant, il paraît que c’est l’homme d’aujourd’hui : nous, en somme. Le langage construit l’homme (et vice versa) ainsi que la société, il le structure, l’élève… Espérons qu’aujourd’hui, avec ou sans portable, ce soit toujours le cas !
Portable insupportable
Raphaël De Ollivier-Pallud (2022)
Oh quelle invention qui est insupportable,
Que ce portable toujours oublié sur la table,
Dans sa poche revolver ou dans le bac à sable,
Et parfois, même, de temps en temps dans ton cartable.
Certes, avec, tu peux appeler tes semblables,
Mais rendre tes voisins de table irritables,
Au resto, et au troquet, et même chez ta tante,
Sonneries incessantes et voix tonitruantes.
Les ondes, dans les airs dansent sur un rythme endiablé
Vagues successives se brisant sur tes neurones,
Astrobaldus use de télépathie c’est vrai,
Tellement plus drôle que le silence des nonnes.
Le plaisir d’être injoignable
Baptiste Madamour
On nous dit que c’est important d’être toujours disponible, qu’on puisse toujours nous contacter, qu’il faut l’être si nous voulons trouver un emploi, alors dans ce cas, le portable semble être la solution.
Mais qu’en est-il si nous aimons parfois flâner sans nous poser de question, prendre un café avec des amis sans nous demander si quelqu’un veut nous joindre, être alors loin des considérations d’employabilité, d’insertion ?
Le portable nous empêche de profiter de certains moments sans arrière-pensée. Il nous oblige à être toujours en attente, toujours dans le stress d’un appel positif ou négatif, toujours la tête emplie des difficultés et angoisses de la recherche d’emploi. Il nous empêche de nous rendre compte que la vie continue tout autour et que nous pouvons en profiter.
Tentons d’être présent, ici et maintenant, et sachons garder, par instant, le portable éteint, loin de nos pensées.
* Je t’appelle dès que je peux – Je vais bien – Laisse tomber – Mort de rire.