Cerné par un environnement parfois oppressant, pris à la gorge par des soucis, ballotté par les flots médiatiques annonçant tout et son contraire, qui n’a jamais rêvé d’un autre monde ? Un peu comme cet air des années 80 qui nous invitait à rêver » d’une autre terre […] une terre moins terre à terre « .
Les bizarreries qui émaillent chaque jour le fonctionnement de notre société avant de nous laisser pantois nous interpellent encore. Et que faire de cette sensation, ô combien partagée, d’être les éternels dindons de la farce d’une crise qui épargne certains ou d’un plan de rigueur dont le seul nom fait peur ? Alors, de guerre lasse ou empli d’un semblant d’optimisme, on se laisse aller à rêver d’un autre monde… Cet autre monde peut-il exister et comment ? Marion Laval-Jeantet, artiste et ethnopsychiatre, et Bruno Boyer, accompagnateur à la vie associative pour la ville de Grenoble, ont accepté de rêver, les yeux ouverts, de cet autre monde qui nous fait envie…
Des similitudes émergent du flot des songes des terriens en quête d’un monde meilleur.Ainsi, Marion Laval- Jeantet et Bruno Boyer s’entendent pour rêver un monde où l’entraide serait plus importante. En effet, elle est perçue comme la solution à de nombreuses difficultés. Dans une logique d’appauvrissement à court terme de la matière disponible sur notre planète, la solidarité à l’échelle mondiale permettrait d’aplanir les inégalités face à l’accès à l’eau, au pétrole ou à l’alimentation. Le lien humain est également un vecteur pour imaginer, par la révolte ou l’opposition, un autre monde. Cela évoque les mouvements alter-mondialistes, nés dans les années 90, au moment où la mondialisation battait son plein et où Internet apparaissait. Une autre facette de la solidarité humaine serait d’admettre la vision d’une » bio-diversité » globale, qui reviendrait à accepter toutes les possibilités d’existence sur terre. Et ainsi respecter l’autre dans toutes ses différences et son identité propre.
Par extension, reconnaître l’autre et ses différences conduit à penser qu’il n’y a peut-être pas un autre monde possible, mais plusieurs. Le rêve aidant, rien ne nous interdit d’imaginer la coexistence de plusieurs mondes. Ainsi, nous ne serions plus dans un contexte de domination d’un système, le capitalisme, qui impose une efficacité permanente à la société. Mais plutôt, comme le suggérait le commandant Marcos, dans » un monde qui permet que plusieurs mondes existent « . Enfin, Marion Laval-Jeantet voit dans la décroissance la solution inévitable à notre système de consommation. Et malicieusement, elle étaye son propos en affirmant que l’achat d’une oeuvre d’art est un acte éthique, parce que sa création n’a demandé que peu de moyens matériels.
De douces rêveries aux plus folles utopies, chacun est désireux et capable d’imaginer un autre monde. Cet autre monde où les inégalités seraient gommées et les différences oubliées, a peut-être le goût et la couleur de ce » pays de merveilles » où » la misère serait moins pénible au soleil « …