Le Bon Plan a rencontré Alain Denoyelle, adjoint à l’action sociale et vice-président du CCAS pour la ville de Grenoble.
De Mounier à la mairie
Un changement de majorité, une nouvelle équipe municipale, et avec elle une autre conception des choses… Depuis le mois d’avril et l’élection (presque) surprise d’Éric Piolle, la donne a considérablement changé dans la capitale des Alpes. Après un temps nécessaire à sa prise de fonction, Alain Denoyelle, successeur d’Olivier Noblecourt aux affaires sociales, nous a reçus pour que nous puissions évoquer ensemble ces changements, ainsi que les projets et les actions à mener pour la nouvelle municipalité.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre expérience dans le domaine du social, ou de la politique ?
Je suis enseignant-chercheur en université, en électrochimie, et ma connaissance du social est celle d’un habitant de la ville de Grenoble, à travers sa vie privée, associative ou familiale. Pour ce qui est de la politique, je l’ai dit durant la campagne des municipales : de la même manière que je pouvais être intéressé par ce qui est du domaine du social ou du développement, j’étais intéressé par la chose politique sans être engagé dans aucun mouvement. Mais on m’a un peu marché sur les pieds en septembre 2010, autour de la question du lycée Mounier où étaient scolarisés mes enfants. Je me suis rendu compte qu’il fallait se lier, avoir un travail commun, une action commune pour arriver à quelque chose. J’ai rejoint alors le collectif Mounier et la révolte que j’ai eue, les contacts avec des responsables politiques qui ne me plaisaient pas dans leurs discours ou leurs positions m’ont fait prendre parti au moment des élections municipales. C’est l’action citoyenne, pour une chose qui me touchait personnellement, qui m’a fait prendre conscience que ce sont les démarches collectives qui peuvent aboutir. Et de fil en aiguille, on en arrive à être élu à la ville de Grenoble, ce que j’étais loin d’imaginer en 2010 !
Comment s’est passée la prise de contact avec les acteurs sociaux ?
Il y a deux choses : il y a ceux que l’on décide de rencontrer rapidement parce que ce sont des acteurs importants, parce qu’il y a des actions urgentes à mener. Je pense aux acteurs des accueils de jour, par exemple, que j’ai rencontrés dans les trois premières semaines, ou également bien entendu aux acteurs du CCAS. Pour d’autres acteurs, d’autres associations, les choses se sont faites sur un temps plus long, au gré aussi des invitations.
On est dans une démarche où l’on souhaite que tous les acteurs aient leur place : le CCAS, la Ville de Grenoble, le Conseil Général, et les associations qui oeuvrent dans ce domaine. Je suis dans une phase d’apprentissage et d’écoute, mais également de questionnement, et les rencontres que j’ai eues avec chacun de ces acteurs, dont j’ai pu voir et sentir la compétence, ont été très enrichissantes.
Le social à la « mode » écologiste, c’est quoi ?
Comme je l’ai dit, mon engagement est issu d’un combat d’habitant, pas d’un parti. J’aurais du mal à donner une définition « écologiste », et me ferais certainement reprendre par mes collègues d’EELV et du Parti de Gauche !
Mon social, il est teinté de ce que portent aussi les équipes du CCAS. Il consiste à dire que toute personne, quel que soit son parcours ou sa situation, est capable. Capable des relations avec d’autres personnes, de vivre, d’avoir des projets. Et cela doit trouver sa place dans la société malgré les difficultés financières, de relations, d’éloignement, de handicap, ou autres. C’est cette action, ce cap que l’on doit avoir. De trouver les leviers pour agir en fonction des besoins de la personne, mais aussi d’adapter les réponses.
Cela me questionne quand j’entends que certaines personnes ne veulent pas qu’on les aide. Pourquoi ? Est-ce que l’aide ne correspond pas à leur désir ? Est-ce que l’aide est mal présentée ? Ce sont dans ces retours que l’on peut trouver des biais de leviers sociaux, pour que tout le monde puisse progresser et évoluer. Il faut toujours chercher un équilibre entre définir les publics et identifier les besoins.
Que pensez-vous de l’action de votre prédécesseur ?
Pour la majorité des aspects, il s’agira de se requestionner sur les objectifs et de faire évoluer les dispositifs. Un point moins visible porte sur la vie et le fonctionnement du CCAS qui a connu des années de fort engagement et de fort développement d’action, mais de manière fortement dirigée par la direction et le vice-président, qui ont mis le système en tension et les personnes en souffrance. Il y a donc cette démarche de reprendre le cadre et de se poser ensemble des questions. Ce n’est pas qu’une démarche interne : nous allons aussi faire appel à nos partenaires, associatifs et financiers, mais également aux usagers, pour savoir ce que l’on veut mettre en place, de manière à ce que l’on ait cette vision commune des actions du CCAS.
Un autre point : se reposer la question du développement des Maisons des habitants. On pouvait avoir le sentiment que, dans certains cas, on allait vers quelque chose d’univoque, qui amenaient certains à se poser des questions, à se demander pourquoi le CCAS prenait sous sa coupe telle MJC, telle action d’accueil de l’habitant. etc. La dynamique citoyenne des MDH doit être partagée par toute la ville, et par tous les services de la ville, et que ceux-ci se retrouvent dans un lieu partagé où les actions de chacun seront identifiées.
Quels sont les projets, les chantiers prioritaires en terme de social, pour la nouvelle municipalité ?
L’action se fait en lien avec les habitants, et je ne peux pas annoncer telle ou telle chose sans avoir partagé et discuté auparavant avec les acteurs locaux. Jeudi après-midi, par exemple, nous allons rencontrer, en lien avec Élisa Martin, les équipes de direction des crèches pour trouver des voies d’action et d’orientation sur la petite enfance, autour de l’accueil des enfants, de l’attention à leur développement, de la question du langage, du rôle des parents, et également la place de l’enfant dans la ville de manière générale.
Une autre action que l’on engage avec la Métro, et donc de manière incidente avec les collectivités alentour, concerne l’hébergement d’urgence et la réponse à apporter aux personnes à la rue. On estime que les sommes dépensées sont disproportionnées par rapport à leur efficacité. On appelle donc à réfléchir ensemble pour proposer des solutions concrètes, à coût constant mais répondant à plus de besoin, pour essayer de répondre à ce problème immédiat des campements ou des squats.
Autre point important : les demandes d’aide financière. Elles évitent que des personnes vivant un accident de la vie plongent dans des dettes qu’elles mettraient beaucoup de temps à épurer. Cela peut être des aides pour l’alimentaire ou pour des paiements de facture. On se rend justement compte qu’il y a eu avant l’été beaucoup de personnes impactées par des rappels de facture d’électricité qui les mettaient vraiment en fragilité et qui nous posent question. On a donc vraiment une action à avoir autour du budget et des abonnements électriques, et voir comment on gère les relations avec les abonnés.
Bien sûr, tout cela peut apparaître comme étant restrictif par rapport à des enjeux sociaux d’autre nature, par exemple les personnes sans emploi ou ayant des difficultés d’accès ou de maintien au logement, et pour lesquelles il faut aussi qu’on ait des politiques et des actions. La priorité se décline de différentes manières.
En terme d’hébergement d’urgence, la municipalité et la Préfecture s’opposent-elles ?
Avec la Préfecture, on est sur deux logiques différentes qui parfois ne convergent pas. La Préfecture est sur une logique de droit au séjour et de droit au travail et prend ses décisions en fonction de cela. La position de quelqu’un qui est en responsabilité à la ville comme je le suis est de dire que ces personnes existent et sont sur notre territoire, sont soumises à des problèmes et des contraintes, et ont des besoins sanitaires ou sociaux. Ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas de droit que cela résout le problème, et les fermetures de squat ne les font pas disparaître. Donc, on agit vis-à-vis de ces personnes qui sont à la rue et on voit ce que l’on peut faire pour les accompagner. Il y a donc un hiatus entre l’objectif des uns et notre action, parce que l’on n’agit pas sur la situation par le même bout.
Au-delà de l’hébergement d’urgence, est-ce que les loyers peuvent baisser à Grenoble ? On sait que Christophe Ferrari, de la Metro, a demandé à expérimenter l’encadrement des loyers prévu par la loi ALUR.
Nous allons lancer une consultation sur PLU, le Plan Local d’Urbanisme, où sera annoncé un objectif de 40 % de logements sociaux dans les opérations immobilières à venir, de manière à augmenter le parc du logement social, qui est celui sur lequel les loyers répondent à des logiques établies, avec l’aide de l’état. Mais quelle sera la réponse du parc privé ? C’est très compliqué. Demander à un promoteur privé d’inclure des logements sociaux dans son opération immobilière peut avoir pour effet d’augmenter les prix des autres logements. Comme la possibilité de construction sur Grenoble n’est pas gigantesque, la ville étant déjà l’une des plus denses de France, et que l’on a envie de voir préservées des zones de respiration et d’habitat moyen, cela occasionne des contraintes que l’on entend tout à fait. Et c’est parfaitement en lien avec la municipalité et les élus grenoblois que le président de la Metro a fait cette demande pour l’ensemble de la communauté d’agglomération !
En matière de transports, la promesse de campagne de gratuité pour les moins de 25 ans est-elle toujours d’actualité ?
Elle l’est, bien sûr. Mais au-delà de ça, il faut bien avoir en tête que le transport est l’équivalent d’un droit au sein de la ville, et doit faire également partie des leviers de développement social que l’on se donne. Il faut que l’on soit acteur dans ce domaine. La Semitag a déjà mis en place la tarification sociale, mais on doit aussi être dans la démarche d’aider les personnes qui, dans un premier temps, pourrait ne pas y avoir droit, et les accompagner afin que cela aille assez vite, que l’on n’ait pas de situations de personnes isolées et sans moyen de déplacement alors que c’est une richesse et un atout de développement pour la ville que d’avoir un tel réseau de transports !