Derrière la promotion des transports alternatifs et notament du retour du vélo, il y a une « pensée vélo ». On peut en trouver la synthèse dans un ouvrage paru récemment, « Le retour de la bicyclette », à partir duquel la discussion doit s’ouvrir autour d’un certain nombre de questions.
Le vélo revient à la mode. Il n’est pas difficile de s’en apercevoir : dans notre agglomération, que ce soit à l’ADTC, au SMTC ou encore à la Ville de Grenoble, on fait la promotion du vélo, on incite à l’utiliser, on aménage la voirie pour rendre viable et fiable son emploi, et on met à la disposition des citoyens des systèmes permettant de composer voiture, transports collectifs et vélos. Mais comment en est on arrivé là ? C’est tous le propos du livre de Frédéric Héran qui consacre toute une étude au sujet.
Il propose une analyse plus ou moins sociologique du vélo, depuis sa création au 19ème siècle jusqu’à aujourd’hui. On voit comment le vélo se développe d’abord comme moyen de transport principal des ouvriers, puis comment il devient concurrencé par la voiture. L’auteur montre comment dès lors, et en raison aussi d’intérêts économiques, l’aménagement urbain s’adapte aux voitures.
Par delà l’analyse strictement sociologique, l’auteur engage une éloge du vélo. Avec un argument écologique fort : le vélo ne nécessite pas d’énergie non renouvelable, comme le pétrole pour les voitures, et nécessite, pour sa construction, beaucoup moins de matières premières que les véhicules motorisés. De plus il est nettement moins accidentogène que la voiture, et requiert beaucoup moins d’espace, pour les aménagements de voirie, que la voiture. Ce sont effectivement là tous les arguments que les associations pro-vélo défendent. Et de fait, on ne peut qu’être réceptif à une vision améliorée de la ville et de ses transports. Pourtant, on peut trouver aussi que l’auteur de l’étude va trop loin dans les changements qu’il préconise.
Pour lui, en effet, il faut changer les mentalités, et changer les représentations, jusqu’à ce que l’homme s’identifie au vélo. Il imagine, radicalement, un monde où il n’y a plus que le vélo. On peut lire page 213 : « des phénomènes de modes et de mimétisme apparaîtrons, une nouvelle norme de comportement prendra corps ». L’auteur rêve d’un monde où c’est l’exigence écologique qui règnera sur l’activité humaine, au point que, écrit-il : « les ménages devront simplifier leurs programmes d’activités ». C’est toute la société qui devrait se modifier pour, dit-il : « un véritable changement de paradigme dans les manières de produire, de consommer, de se déplacer. ».
Ce n’est pas, ici, la question de l’évolution de notre vie terrestre vers une plus grande harmonie avec la nature qui fait problème, mais c’est le rejet de la science et de la technique qui y est sous-jascent. On rencontre à cet égard la notion de « technophobie » page 211. Et si on comprend bien les motifs écologiques, on comprend mal pourquoi la technique est abordée a priori négativement. Si l’argument écologique est le respect de ce qui existe par nature, pourquoi ne pas voir dans la technique elle aussi un phénomène extraordinaire ? C’est pourquoi, semble t-il, l’écologie devrait respecter l’espèce technologique elle aussi, avec ses dons et ses œuvres, même si il est tout a fait légitime d’exiger une harmonie entre science et nature. Pour illustrer cette conception, on peut évoquer le discours du président du SMTC rapporté dans nos colonnes : il ne faut pas opposer la voiture au vélo ou inversement, mais il faut harmoniser les moyens de transports en fonction de l’écologie bien sûr, mais aussi de l’efficacité et de l’urbanisme. Une politique des transports raisonnable ne correspondrait pas, alors, ni au tout voiture, ni au tout vélo, mais à une situation où l’on adopte le moyen de transport le plus adapté à ce que l’on veut faire. « La vertu réside dans la mesure », disait Aristote.
Le retour de la bicyclette
Une histoire des déplacements urbains en europe de 1817 à 2050
Frédéric Héran
Editions La Découverte
256 pages, 17,90 euros