Les expulsions locatives reprenaient le premier avril dernier. Les associations commentaient les chiffres et déploraient le manque de solutions.
Quelques chiffres
Les statistiques ont de quoi inquiéter. En 10 ans le nombre des décisions judiciaires d’expulsions a augmenté de 37%, pour s’établir à 115 000 en 2012. Sur les foyers concernés par ce chiffre, on recense 13 000 expulsions effectives par la force publique, mais on sait que 25 000 foyers n’attendent pas la force publique pour quitter leur lieu de résidence, ce qui monte à environ 40 000 familles le chiffre de ceux qui perdent leur logement. Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre commente : « C’est l’équivalent d’une ville comme Chartres, Melun, Gap ou Nevers. ».
Sur le site de la FNARS, on relève que les dispositifs existants n’aboutissent pas. La FNARS relaie la conférence de presse du Collectif des Associations Unies, lequel cible de graves lacunes : les APL seront partiellement gelées en 2014. Sur les 150 000 logements sociaux prévus, seuls 117 000 ont été financés. Et on est bien loin d’avoir relogé les 20 000 ménages prioritaires DALO (droit au logement opposable), contrairement à ce qui était prévu par le gouvernement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté. Le Collectif réclame donc une suspension des expulsions avec dédommagement des propriétaires. Il souhaite en ce sens que soient mis en œuvre les moyens conséquents de l’application de la loi ALUR (dite « loi Duflot »).
Mais les expulsions ne sont qu’un volet du problème. En effet, les personnes expulsées, censées pouvoir solliciter le 115, ne trouvent pas toutes par là une solution. Bien au contraire : la reprise des expulsions s’accompagne d’une fermeture des centre d’hébergements d’urgence. Le Collectif dénonce donc « la gestion au thermomètre ». Celle-ci conduit à la fermeture des gymnases, casernes et autres bâtiments préfabriqués ouverts pendant l’hiver, ce qui fait que ceux qui ont sollicité le 115 pour l’hiver, rappellent le 115 pour l’été ! Le Collectif réclame donc qu’aucune personne hébergée dans le cadre de la trève hivernale ne soit remise à la rue sans solution de relogement.
Mais du coté des propriétaires on ne l’entend pas de la même oreille. L’Union nationale de la propriété immobiliaire (UNPI) réclame, elle, la suppression pure et simple de la trêve : « Il ne faut pas croire que tous les propriétaires privés sont des nantis. Il ont besoin de leur loyer pour vivre et rembourser leur emprunt. », explique son président Jean Perrin. Ce qui n’est que partiellement vrai, quand on sait que ce sont aussi des grandes entreprises de location immobiliaire ou de riches familles en patrimoine immobilier qui réclament les expulsions.
Des expulsions très réglementées
Celles-ci, restent cependant, fort heureusement, règlementées, et ne peuvent quasiment pas être exécutées immédiatement. Il faut que le propriétaire notifie au locataire, par huissier, un « commandement à payer ». Le locataire a alors un délai de deux mois pour payer avant que le propriétaire puisse saisir le tribunal d’instance. Et il revient donc au juge de décider l’expulsion (et d’établir pour ce faire un délai qui peut aller de trois mois jusqu’à trois ans), lequel avis est à nouveau notifié au locataire sous le titre d’un « commandement à quitter les lieux » qui doit être honoré dans un délai de deux mois après avis. Et si, alors, le locataire persiste à occuper les lieux c’est là que l’huissier demande au préfet le recours à la force publique. Mais celui-ci, en regard de la situation sociale du locataire, peut accepter, ou refuser, ou accorder un délai. Il est fréquent que la présence d’enfants dans les foyers concernés conduise le préfet à accorder un délai qui correspond à l’année scolaire.
C’est dire que les procédures d’expulsions font tout de même l’objet d’un certain discernement du coté des pouvoirs publics, comme aussi d’ailleurs du coté des huissiers. Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des huissiers de justice, commente : « On veut éviter ces drames humains. ». En effet, loin de se contenter de la médiation judiciaire, ceux-ci invitent les locataires insolvables à les contacter au plus tôt pour signaler leur situation, ce qui peut permettre aux huissiers de leur faire des propositions : échelonner la dette, solliciter des aides, alerter les travailleurs sociaux. Un aspect importants aux yeux des huissiers : « Quand un huissier arrive à l’expulsion, c’est un échec », explique Patrick Sannino.
Mais au-delà de la tempérance des pouvoirs publics ou des huissiers, la plupart des associations continuent de penser que la véritable solution au problème réside dans la GUL, c’est à dire dans une caisse publique avec laquelle on paierait les propriétaires. Ainsi commente encore Christophe Robert de la Fondation Abbé-Pierre : « Un fonds existe pour dédommager les propriétaires, il suffit de l’alimenter. ». Une solution a portée de main qu’il suffit de mettre en œuvre. Mais en attendant, plusieurs dizaines de milliers de foyers se retrouvent à la rue chaque année, venant grossir le nombre des personnes sollicitant le 115, lesquels, eux, sont déjà en grande difficulté pour gérer toutes les demandes. Un cercle vicieux dans tous les sens du terme.