La loi ALUR, dite « loi Duflot », fait à nouveau, pour cette rentrée, l’actualité : décriée depuis le début de l’été, le gouvernement se disait fin août prêt à la modifier en profondeur, tandis que les villes de Lille, puis Grenoble, montaient au créneau pour en défendre les principes.
A la recherche des véritables causes…
Toute la polémique estivale sur la « loi Duflot » est née des mauvais chiffres du logement : pénurie de logements et baisse de 19 % des constructions, crise du bâtiment et destruction de 7000 emplois dans le bâtiment, mais aussi chute de la construction de nouveaux logements (à peine 300 000 au lieu des 500 000 prévus), Bref, c’est sur la base de ces statistiques que certains ont bien voulu voir un échec radical de la « loi Duflot », en prévoyant aussi, par là même, de la modifier en profondeur. Manuel Valls était clair : « Si nous avons une loi sur le logement qui ne permet pas le redémarrage du logement, il faut y apporter un certain nombre de modifications. ».
En cause, les deux mesures phares de la loi, l’encadrement des loyers et la garantie universelle des loyers (GUL). Les précautions de la loi à l’égard notament des locataires auraient fait fuir les bailleurs et les constructeurs. Ce sont ces précautions qui auraient plombées la dynamique du marché du logement. Pire : on rapporte dans Le Canard Enchaîné que Manuel Valls rendrait responsable la loi Duflot d’une perte de 0,5 % de la croissance. Mais ce qui semble évident se pourrait bien n’être qu’une vérité d’apparence.
En effet plusieurs études relativisent à l’extrême le rapport de causalité entre la loi Duflot et le marasme dans le secteur du logement. Ainsi, Médiapart remarque qu’il est fort étrange de rendre une loi responsable d’un état de choses avant qu’elle soit entrée en vigueur. Du coup, si l’on doit la rendre responsable d’un recul au niveau du logement, ce n’est alors qu’un facteur psychologique. Jacques Chanut, de la Fédération française du bâtiment (FFB) commente : « Il y a eu un impact plus psychologique que factuel. Les propriétaires ont eu le sentiment qu’ils n’auraient plus la maîtrise de rien. ». Et c’est aussi ailleurs qu’il faut chercher les causes de la situation actuelle. La chute de l’immobiler a commencé en 2008, avec les débuts de la crise. Les prix ont explosés. Entre 2000 et 2013, on chiffre une hausse de 91,3 % du prix du mètre carré, et une hausse comparable des prix de rénovations. A quoi il faut ajouter qu’en raison de la crise les banques étaient beaucoup plus réticentes à prêter pour l’investissement immobilier, et que, de l’autre coté, les ménages étaient beaucoup plus en difficultés pour emprunter. Les blocages actuels dans le secteur du logement sont donc dus au contexte économique qui présente un faible pouvoir d’achat face à une explosion des prix, et non à la loi Duflot seule. Tout le débat estival sur le « détricotage » de la loi Duflot est donc bien plus un lynchage médiatique et de complaisance, que le recadrage d’une loi aux effets pervers.
L’enterrement de la loi Duflot diversement apprécié
Et pourtant, ce qui ressemble fort à une grosse erreur d’appréciation ouvre la voie à une nouvelle politique libérale du logement qui enterre par la même occasion la loi Duflot. Manuel Valls, pour relancer la construction de logements, envisage un « abattement fiscal exceptionnel » de 30 % sur les plus values des terrains à bâtir d’ici fin 2015. L’encadrement des loyers, lui, est quasiment suspendu, puisque mesure phare de la loi Duflot, il fera l’objet d’un dispositif expérimental d’abord prévu pour la seule agglomération de Paris.
Cécile Duflot elle, cependant, n’est manifestement pas resté dupe de l’effet d’annonce, puisqu’elle commentait : « On a cédé à une opération de communication et d’intoxication en oubliant des centaines de milliers, voire des millions, de personnes qui souffrent de la crise du logement. ». Par contre, comme on peut l’imaginer, les professionnels de l’immobilier ont salué des « mesures qui vont dans le bon sens. ». Une appréciation pas toujours partagée à gauche puisque Martine Aubry montait samedi dernier au créneau pour demander à ce que le projet expérimental de l’encadrement des loyers puisse aussi être effectif sur Lille. « Notre ville a cruellement besoin d’un dispositif national lui permettant de réguler localement ses loyers et de les rapprocher des capacités financières réelles de ses habitants », déclaraît elle. Peut être le Premier Ministre sentait il le vent venir puisqu’il a tout de suite accordé à la maire de Lille la possibilité de mettre en œuvre le projet, en étendant cette possibilité à d’autres agglomérations. Et c’est le président de la Metro (Communauté d’agglomération grenobloise), Christophe Ferrari qui lui emboîtait le pas lundi en se portant lui aussi volontaire pour expérimenter l’encadrement des loyers sur Grenoble et son agglomération. « Cela nous paraît un mécanisme extrêmement intéressant. L’accès au logement est une des priorité pour notre agglomération. », commentait-il.
Mais tous le monde ne partage pas le même optimisme. A l’UMP on dénonçait la phase expérimentale du dispositif d’encadrement des loyers à Paris. « Les parisiens ne doivent pas être les cobayes d’une politique que le Premier ministre juge inutile à l’échelle de la France, mais qui serait applicable seulement à Paris », relevait Nathalie Kosciusko-Morizet.
Tout ceci illustre bien la cacophonie qui accompagne la polémique actuelle sur la loi Duflot : si certaines villes, comme Strasbourg ou Annemasse, se disent d’ore et déjà intéressées par le dispositif, d’autres villes comme Lyon, pourtant à gauche, ou Toulouse et Marseille (UMP) y sont défavorables. A Rennes ou à Aix-en-Provence, on se donne le temps de la réflexion.
Une loi Duflot, donc, qui n’en est plus une, si il est vrai qu’au gouvernement on est extrêmement circonspect. « Les conditions juridiques de la mise en œuvre de l’expérimentation sont à l’étude », commentait-on prudemment au ministère du logement.