La white trash, la « vermine blanche » si l’on traduit librement, voici le sujet du dernier roman de John King publié aux éditions du Diable Vauvert.
London Calling
D’un côté, Ruby l’infirmière. Jeune et vivante, elle respire d’une humanité tolérante et pleine de patience, à l’égard des patients de l’hôpital autant que de ses amis. Ruby ressent chaque chose, et chaque chose semble la ressentir. Son regard aiguisé ne s’abaisse jamais au mépris. Elle ne juge pas, vit au sein de son quartier populaire sans haine et sans crainte, travaille avec dévouement et compassion et, en-dehors de son métier sait aussi s’amuser et s’offrir des plaisirs, licites ou interdits.
De l’autre, Jeffrey l’administrateur. Timide et courtois en apparence, mais portant sur chaque chose un œil à la fois concentré et préoccupé, acéré, moralisateur. Jeffrey croit savoir tout de chacun et de chaque chose, et adapte sa vision des autres en fonction de sa conception du monde, des rapports humains, des liens sociaux, des nécessités économiques. Personne ne pourrait suspecter tant de dédain, tant de colère rentrée, tant de peur aussi, chez cet homme propre sur lui, qui dissimule soigneusement les dépravations délétères auxquelles il s’adonne.
Et enfin, quelques voix éparses, des morceaux de vie qui émaillent ce récit focalisé sur les deux personnages que tout oppose et qui, cependant, seront amenés à se croiser à plusieurs reprises. L’existence des gens ordinaires vivant dans les quartiers pauvres de Londres, que les hélicoptères de la police sillonnent chaque nuit. Des quartiers blancs, peuplés d’une jeunesse punk ou skinhead – politisée ou non. La « white trash » que les Clash ont chanté en leur temps.
Le roman de John King prend souvent des allures de chronique sociale, et tend à dénoncer implicitement les manipulations médiatiques, les portraits effrayants que dressent la presse britannique de ce bas-peuple fantasmé, nécessairement violent ou obsédé. Milieu modeste ou non, Ruby n’en demeure pas moins une jeune femme saine et équilibrée, sérieuse dans son travail et dénuée de préjugés, tout le contraire d’un homme nanti et d’apparence respectable comme Jeffrey.
My Tueur is rich
Difficile bien entendu de ne pas penser à la France, à la manière dont certains médias hexagonaux traitent de la vie des quartiers populaires, entre voitures brûlées et trafiquants de drogue, en prenant toujours soin de taire chaque initiative citoyenne, chaque point positif qui pourrait éclaircir le portrait noir et sans appel que l’on tend à dresser des pauvres. La caricature racoleuse a ses hérauts, d’un côté ou de l’autre de la Manche.
Mais si caricature il y a, White Trash n’y échappe pas non plus. Le contraste voulu entre l’infirmière et l’administrateur de l’hôpital prend parfois des allures de ping-pong un peu vain, sinon artificiel. Et en attribuant au plus riche les mœurs indignes ou les cruautés dont affuble généralement les plus précaires, John King ne se contente-t-il pas d’inverser le cliché ? Le fantasme d’une haute société profitant de sa posture sociale pour s’adonner aux pires sévices n’est pas nouveau non plus. Il est vrai toutefois que dans le contexte de l’affaire Jimmy Saville, le roman résonne de concert avec une certaine actualité britannique.
En réalité, le plus grand reproche que l’on puisse faire à ce roman repose dans son style. En optant pour une narration froide et chirurgicale, qui bien souvent s’attache au moindre détail jusqu’à donner l’impression d’une écriture en temps réel, White Trash tend à beaucoup ennuyer le lecteur, aussi patient soit-il, qui tournera quelquefois certaines pages en se retenant de soupirer de lassitude. Et si la fin se révèle inattendue et ravive ce récit plutôt terne, il est difficile de balayer l’impression d’avoir, au cours de certains chapitres, tout simplement perdu son temps.
Mais peut-être que d’autres regards vivront mieux cette rencontre…
White Trash
de John King
Traduit de l’anglais par Clémence Sebag
Éditions Au Diable Vauvert
384 pages, 22 €