Retour à Little Wing, ou les aventures d’un groupe d’amis qui, une fois devenus adultes, gardent au fond du cœur l’amour et la nostalgie de leur petite ville de naissance.
Retour vers le passé
Hank, Beth, Leeland, Ronny ou Kip, une bande d’amis d’enfance, tous issus de la même petite ville, Little Wing dans le Wisconsin, un univers rural bien éloigné des grandes métropoles américaines, où la vie s’écoule paisiblement, où les destins semblent tracés d’avance pour qui ne veut pas bousculer l’ordre des choses.
Pourtant, Lee est devenu un chanteur folk mondialement célèbre, Kip un homme d’affaires au regard acéré autant qu’aux dents longues, et Ronny aurait sans doute mené une prestigieuse carrière d’artiste de rodéo si son goût immodéré pour l’alcool ne l’avait mené à un accident diminuant sensiblement ses capacités mentales. Beth et Hank, pour leur part, se sont mariés, et sont restés un « modeste » couple d’exploitants agricoles de Little Wing.
À l’occasion de mariages, ou de séparations, les liens entre chacun vont se resserrer ou se distendre, s’éprouver ou se renforcer. Le passé demeure présent dans les mémoires : anciennes amourettes, secrets bien gardés qui ne demandaient qu’à resurgir, rancunes tenaces et frustrations. Pourtant, l’amitié demeure et tout dans l’univers de ces personnages se ramène, en revient, à cette vie si bien tracée que leur promettait leur petite ville de naissance.
Ateliers de formatage
Pour son premier roman, succès de librairie salué par la critique, Nickolas Butler signe donc un chant d’amour pour ces patelins perdus, ces points minuscules sur la carte des États-Unis que personne ou presque ne remarque. Et narre à travers quelques péripéties cocasses l’enfance qui demeure dans l’esprit de ceux qui ont partagé leur vie dans ces petits mondes confinés.
Mais si l’intention est là, le style ou l’écriture ne suit pas. L’auteur est l’illustration parfaite du problème posé par les Ateliers d’écrivain, tellement en vogue outre-Atlantique et dont Butler est issu. S’il semble légitime d’apprendre l’art narratif, au même titre que l’on enseigne la technique cinématographique, ce genre de formation donne souvent naissance à des écrivains qui ont la fâcheuse tendance à se ressembler et renoncent à sortir des sentiers battus.
Rien de bien original dans Retour à Little Wing, auquel il manque le grain de folie, la petite touche personnelle qui fait d’un roman une œuvre unique. Quand Stephen King chante le Maine, il laisse son imagination partir dans des directions diverses et dangereuses. Quand Nickolas Butler parle du Wisconsin, il décrit des histoires un peu vaines et bien commodes, des situations entendues qui n’accrochent pas vraiment l’oeil. Et se fait des montagnes de bien peu de choses.
Fautes de style
Quant à la narration du roman, qui se veut plurielle en donnant la parole à chaque protagoniste en fonction des chapitres, elle apparaît comme un exercice de style peu abouti dans la mesure où les personnages s’expriment tous de la même manière, usant du même registre de langage, des mêmes digressions, des mêmes métaphores. Et du même degré de réflexion, ce qui surprendra pour un Ronny que l’on nous présente comme mentalement diminué.
En définitive, Retour à Little Wing ne tient pas ses promesses. Long à démarrer, encore plus long dans son déroulement et bien poussif dans sa conclusion, le roman de Nickolas Butler a d’ores et déjà trouvé son public et l’on s’en réjouit pour lui, mais n’a pas su captiver notre regard, fatigué par une écriture qui manque cruellement d’audace.
Retour à Little Wing
de Nickolas Butler
Traduction de Mireille Vignol
Éditions Autrement
450 pages, 22 €