Le nouveau recueil de dessins de Jean-Jacques Sempé, Bourrasques et accalmies, est dans les rayons de toute librairie qui se respecte, pour le plaisir de retrouver cet artiste singulier qui demeure une fois encore fidèle à lui-même autant qu’à ses admirateurs.
Sempé, encore
Faisant le récit de ses nombreuses séparations d’avec son compagnon, cette jeune femme que croque Sempé finit par se désoler, maintenant que son couple a retrouvé la stabilité, qu’il soit si difficile d’attendre quelqu’un qui est présent. On attend pourtant toujours autant le dernier Sempé, même si celui-ci est fidèle au poste, près de nous, depuis plus de cinquante ans.
Sempé, toujours, comme dans ses premiers albums, croque l’absurdité de nos vies urbaines, l’immensité de nos espaces et la petitesse de nos caractères, nos défauts si criants que l’on ne voit que chez les autres, nos mesquineries et nos lâchetés, sans jamais faire preuve de méchanceté, sans aucun cynisme non plus. L’œil bienveillant de Sempé surveille la fourmilière et s’en amuse.
Sempé, toujours
Et Sempé demeure atemporel. La grande bourgeoisie qu’il nous décrit n’est plus exactement celle d’aujourd’hui ? Les prénoms, les costumes, la préciosité elle-même a changé ? Peu importe : dans cette aristocratie sublimée, on trouve et retrouve l’immortelle suffisance des puissants et des riches. Le réalisme s’efface au profit de l’allégorie, et du rire, évidemment. Sempé à du Molière au bout de la mine.
Et demeure intacte, elle aussi, comme au début, la poésie de ce dessinateur. Une poésie doucement ironique, souvent pleine de tendresse, parfois teintée de non-sens. Peintres du dimanche, modestes grenouilles de bénitier ou simples occupants des bancs publics : autant de personnages croqués par cette plume qui prend soin de mettre en relation l’individu et l’infini, de montrer ce sourire satisfait des plénitudes reposantes.
Bourrasques et accalmies, à l’image de nos existences vues par Sempé, traversant des périodes de gros temps et trouvant quelquefois, dans l’oeil du cyclone, de quoi aimer la vie, aimer les autres, s’aimer soi-même. Malgré nos petits ou grands défauts, malgré nos bêtises ou nos illusions. Le trait simple et l’humble sagesse de Sempé remontent le moral à chaque nouvel album. Un monde dont on ne se lasse pas.
Bourrasques et accalmies
de Sempé
Éditions Denoël
120 pages, 32 €