Les Editions Lombard publient ce mois-ci une bande-dessinée, Vivre à en mourir, qui relate, met en image et présente l’histoire vraie de Marcel Rajman, jeune résistant juif, qui a pris les armes à Paris, entre 1941 et 1944, date à laquelle il est fusillé par les allemands sous l’accusation d’actes terroristes.
Plus que de donner un aperçu ou une perspective sur le quotidien de l’occupation et sur la situation des résistants à l’époque, cette bande-dessinée met dans le mille, en ce que l’on a d’emblée l’impression d’y être. On plonge facilement dans l’élément de l’histoire, et on est sensibilisé au tragique de la situation d’alors. D’où le sentiment de revivre cette période, en même temps que l’on est happé par l’aventure du jeune résistant juif. Les auteurs (Jeanne Puchol au dessin, et Laurent Galandon au scénario) parviennent bien à restituer l’ambiance. On voit bien comment nos résistants, simplement et librement, s’engagent sur la pente extrêmement dangereuse de la résistance à l’occupant. Pareillement, les traits fondamentaux du contexte sont, de façon simple et percutante, très bien rendus : l’ambiance de la guerre bien sûr, mais aussi l’idéologie fasciste de la France de Vichy, la gratuité et l’absurdité de la politique antisémite. On est touché par la manière dont la stigmatisation des juifs est rendue : brimades, étoiles jaunes, arrestation arbitraires. Les auteurs, aux moyen de quelques images banales, mettent aussi bien en exergue le poids de la menace de la délation, et par quelques répliques font bien ressortir le cynisme et l’esprit « salopard » des collaborateurs.
Du coup, pleinement plongé dans l’atmosphère de l’époque, on est pris par le fil de l’histoire. On entre dans la peau d’un résistant. On voit d’abord comment on passe de la seule idée de résister, à l’élaboration d’une première action violente. On voit comment se construit la clandestinité, la peur d’être suivi ou repéré, comment le résistant est sans cesse en danger et comment une sorte d’enfer quotidien est la rançon de son courage. On voit aussi comment l’action résistante se structure petit à petit, vers des actions prenant de plus en plus d’envergure. On suit alors le résistant et ses doutes : il lui faut tuer, cela le répugne, mais cela lui semble nécessaire. Parfois il peut s’interroger sur la portée de son action : qu’est-ce que quelques soldats allemands éliminés, face à l’invasion nazi ? Mais notre résistant se rappelle toujours qu’il agit dans un mouvement résistant d’ensemble, et ainsi conclut qu’il est légitime d’y apporter sa pierre.
Mais malgré l’extrême cloisonnement, du fait des intérêts egoïstes des collaborateurs, des résistants tombent sur dénonciation. Lors d’un guet-apens qui en est consécutif, on voit (fait authentique) un résistant se donner la mort plutot que de choir aux mains de l’ennemi. Et malgré l’héroïsme dont nos résistants font preuve, ils finissent par chuter : ils sont arretés et fusillés. On est alors en février 1944, soit presque au terme du combat que la résistance a mené. Et on ne peut, en achevant la lecture de cette BD, que réfléchir, voir se remémorer le contexte et les enjeux de cette guerre, où le meilleur affrontait le pire. On est frappé et respectueux de la figure du personage principal, Marcel Rajman (1923-1944), qui, à peine agé de 20 ans, a choisi de donner sa vie pour la liberté des autres et pour un monde juste. Une figure de la résistance, très certainement. Et cette BD lui rend pleinement hommage.
Vivre à en mourir
Jeanne Puchol et Laurent Galandon
Editions Le Lombard
2014 – 17, 95 euros