Quand l’univers de Jules Verne rencontre l’extravagance de Louis II de Bavière : pari audacieux habilement gagné par Alex Alice qui signe une BD au graphisme exigeant, à la fois attrayante et savante.
À l’instar de beaucoup de récits d’aventures, Le château des étoiles commence par un drame : le décès de Claire Dulac, scientifique chevronnée, mère du jeune Séraphin et épouse d »un Archibald, professeur émérite. En effet, en dépit des recommandations de ce dernier, sa compagne a voulu pousser jusqu’au bout une démarche scientifique pour le moins dangereuse : monter en ballon (nous sommes en 1868) pour atteindre des hauteurs stratosphèriques et récupérer l’éther, présenté comme une source d’énergie inestimable. À la fois Marie Curie et Icare, la voilà logiquement condamnée lorsqu’elle accède à une altitude au delà du supportable. Résultat ? Une chute mortelle de plusieurs milliers de mètres. Dés lors, Archibald optera pour une recherche plus terre-à-terre et s’enfermera dans un certain mutisme, tandis que Séraphin se verrait bien reprendre le flambeau pour mener à bien les recherches entreprises par ses parents Si l’objet de la quête peut faire sourire, il n’en demeure pas moins tout à fait crédible dans la la mesure ou bon nombre de scientifiques présupposaient, jusqu’au début du XXème siècle, que c’était l’éther qui remplissait le vide dans l’espace.
L’éther-nel retour
Enfant aventureux qui voudrait tant continuer et père inconsolable qui voudrait tant oublier : le duo idéal pour une aventure au multiples rebondissements : il suffira d’une lettre de Bavière pour que la quête de l’éther réapparaisse et que les évènements s’enchaînent les uns après les autres, entraînant nos deux héros jusque dans le château de Louis II de Bavière. Rencontre improbable entre des personnages nés de la tradition des récits d’aventures et l’incarnation du romantisme allemand et de la démesure. Un mélange des genres que l’on pourrait avoir du mal à accepter et qui pourtant, dans ce livre fonctionne parfaitement. Une prouesse de narration qui tient avant tout au dessin : les aquarelles légères habilement mises en scène conviennent tout autant à l’illustration de machines sorties de livres de science fiction du début du XXème siècle qu’à la mélancolie et à la solitude d’un prince. La mise en page propose un véritable éclaté de cases autorisant au lecteur de multiples entrées.
Mélange des genres
A la fois scénariste et dessinateur, Alex Alice réussit à concevoir une bande dessinée originale et inclassable. Il associe, certes, deux univers aussi différents que celui de Jules Verne et celui de Louis II de Bavière, mais, parvient également à inclure une certaine touche Mangas sans que cela choque, à l’image du personnage de Hans, aux traits rappelant des personnages de Miazaki, qui cohabite parfaitement avec des figures plus réalistes. Le talent de cet auteur tient en cela : un mélange assumé des genres, afin de brouiller nos repères pour mieux nous entraîner dans son récit et dans son univers. Et il y excelle, réalisant un ouvrage accessible à tous, capable de susciter l’intérêt du jeune lecteur qui sera conquis par ce livre d’aventure, comme le bédéphile chevronné, étonné par le trait, l’audace du scénario et les références convoquées et parfaitement maîtrisées. Et notre plaisir s’associe à notre impatience lorsqu’on comprend à la fin de ce premier volume, qu’il va falloir attendre un pour connaître la fin du récit. Cruel, non ?
Le château des étoiles
1869 : la conquête de l’espace – Volume 1
Alex Alice
Editions Rue de Sèvres
13,50 €