Captivante, noire, violente, la bande dessinée du duo Boucq et Charyn, 25 ans après Bouche Du Diable, est, n’ayons pas peur des mots, un véritable chef d’oeuvre.
Dès les premières cases, on est happé par le récit, par les graphismes, par ce personnage mystérieux qu’est Paul, alias Pavel, alias Little Tulip. Peu à peu, son histoire se révéle et nous impreigne, à l’image de son corps entièrement tatoué.
Paul vit à Manhattan et officie tel une sorte de dessinateur médium pour la police, parvenant à établir des portraits robots de suspects avec une précision étonnante. Il « sent », il mentalise, son crayon est guidé comme par magie. Mais Paul a un passé âpre, déporté enfant avec ses parents dans le goulag, il est un rescapé de la Kolyma. Il doit son salut à son talent exceptionnel pour le dessin et le tatouage.
L’inspiration cinématographique est évidente, que ce soit dans les dessins – les personnages semblent tout droit sortis d’un polar américain – ou la narration. Le scénario enchevêtre deux périodes qui finissent par se rejoindre, l’enfance très rude de notre héros dans les goulags et sa vie actuelle en apparence paisible à Manhattan. Certaines scènes sont d’une grande intensité et restent longtemps gravées dans l’esprit. On n’est jamais perdu tant le récit, aidé par des graphismes extrémement détaillés, est bien construit. Les périodes s’enchainent via d’habiles transitions.
Une oeuvre marquante, viscérale, dont on sort comme tatoué de l’interieur. Une sensation rare et particulièrement agréable, car le héros, malgré sa fureur animale, est une sorte de sage, droit et émouvant.
Little Tulip
Jérôme Charyn et François Boucq
Editions Le Lombard
88 pages – 16,45 €