Crimes et chat-iments

Un chat au gibet sous les applaudissements des vautours ? Véronique Deiss nous conte les aventures et les malheurs d’un félin à l’esprit bien acéré.

Le greffier au tribunal

Quand Tuffy, un peu par hasard, est mêlé au décès d’un oisillon ou d’une souris, il fait ce que tout bon chat de famille se doit de faire : il dépose le cadavre sur le tapis de la maison et observe le manège de sa famille d’adoption. Pleurs de la petite fille, nettoyage intensif du lieu du crime, et enterrement en grande pompe dans le jardin.

Lui ne comprend pas vraiment ce qu’on lui reproche : il est un chat qui fait son boulot de chat. Il s’y emploie même avec une certaine énergie, surtout lorsqu’il se démène pour faire passer la dépouille du lapin du voisin par la chatière afin de pouvoir, à son tour, le déposer à l’intérieur de la maison.

Mais c’est un gros morceau, dans tous les sens du terme, ce lapin mort. Tant pour le poids que pour l’impact que sa disparition peut causer chez les voisins, en particulier si Tuffy en est responsable, ce que chacun s’accorde à penser sans se poser plus avant la question. Mais ce chat est-il vraiment l’assassin qu’on le soupçonne d’être ?

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Chatire

Adapté des romans d’Anne Fine, ce Journal d’un chat assassin est une bouffée d’air frais parsemée de cadavres d’animaux. Une délicieuse plongée dans la subtile psychologie féline, où le chat Tuffy livre sa manière de penser sans jamais faire preuve d’avarice en matière de bons mots comme de mauvaise foi. Sorte de Petit Nicolas à moustaches, il observe la vie des humains à la fois intrigué et goguenard, faisant part de ses commentaires et de sa philosophe à nulle autre pareille.

Des humains qui, en terme de ridicule, n’ont de leçons à donner à personne, en particulier lorsqu’ils s’acharnent à redonner des couleurs au corps moribond d’un lapin pour le ramener subrepticement dans son clapier à la faveur de la nuit. Des humains croqués avec délice par une dessinatrice qui sait rendre mieux que quiconque les fontaines de larmes des enfants ou les sourires sadiques des vétérinaires.

Gentiment cruel, ou cruellement gentil, Journal d’un chat assassin est une lecture qui vous sauve d’une matinée morne ou d’une soirée morose, tant par son esprit décalé et la finesse de ses dialogues que par son trait faussement naïf. Un trait avec lequel Véronique Deiss, illustratrice chevronnée, semble le chaînon manquant entre Reiser et Brétécher.

20150220 journaldunchatJournal d’un chat assassin
De Véronique Deiss
D’après Anne Fine
Éditions Rue de Sèvres
50 pages, 10,50 €