Chaque semaine, Willem sévit dans Libération et dans Charlie Hebdo. C’est ici un an de travail que Willem Akbar ! propose, démontrant que le génie peut résister au temps qui passe.
L’encrier à tue-tête
Willem est un survivant. Un survivant des grandes années Charlie, de l’époque où une troupe de sales gosses irrespectueux moquaient la France gaulliste avec des unes aussi assassines qu’hilarantes, au sein d’un paysage médiatique d’une effroyable politesse.
Autour de Choron et de Cavanna, Willem fait partie de ceux qui ont préfiguré la bande dessinée pour adultes, qui ont anticipé avec la liberté de ton qui leur était donnée les Fluide Glacial, Écho des Savanes et autres Métal Hurlant.
Mais Willem est aussi un survivant de la tuerie de Charlie Hebdo deuxième époque. Lui qui n’aimait pas assister aux réunions de rédaction a échappé aux balles et à la stupidité des Frères Kouachi et demeure aujourd’hui la dernière plume « historique » de l’hebdomadaire.
« Charlie Akbar ! » crie un petit dessinateur armé d’un calepin et d’un crayon à l’intention d’un tueur masqué deux fois plus grand que lui. Éternel David contre Goliath, le ton libéré de Charlie Hebdo est aussi fragile que courageuse. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il effraie tant ceux qui choisissent de se soumettre à des dogmes et des systèmes de pensée délétères et immatures.
On peut mourir de tout
Faut-il pour autant faire de Willem un symbole, un ambassadeur de la cause Charlie ? Ce serait enterrer – à son tour – un peu trop vite un auteur indispensable, dont le trait dynamique s’articule autour d’un humour volontiers bravache et un sens de la poésie qui n’appartient qu’à lui.
Avec ses allégories morbides, son ironie mordante et sa prédisposition à mettre les pieds dans le plat, Willem s’engage sans jamais adhérer à aucun camp. Ou céder aux mignonneries d’un Plantu de plus en plus timoré à mesure qu’il peaufine son image d’ultime défenseur des libertés satiriques.
Angela Merkel en médecin sadique de la Grèce et de l’euro, Marine Le Pen sous les traits du crieur de Munch ou Bachar el Assad en boucher cynique de son peuple, pendant que la chasse aux chômeurs est ouverte et que les candidats à l’immigration viennent se noyer sous les pieds des baigneuses en bikini… Le monde de Willem est le nôtre : noir et déprimant, mais capable de nous faire rire en nous poussant dans nos derniers retranchements.
Ni raisonnable, ni extrémiste, le dessinateur pose sa pensée sans l’imposer, avec un talent aussi impressionnant que désespérant. Il faut lire, il faut relire Willem : un auteur qui ne se contente pas de dire que l’on peut rire de tout, mais qui le fait. Vraiment.
Willem Akbar
de Willem
Éditions Les Requins Marteaux
152 pages, 15 €
En librairie le 23 avril