De retour d’un périple de vingt jours sur les routes de France, qui l’a mené de Grenoble à Paris où il a pu bénéficier d’une couverture médiatique conséquente et être reçu officiellement par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée de la lutte contre l’exclusion, Alain Guézou est venu rendre visite au Bon Plan mercredi dernier afin de faire le bilan de son action.
« Aucune idée de performance dans la chose ! Nous dit Alain. A RSA 38, nous nous sommes demandé ce que nous pourrions faire pour honorer la mémoire de Jean-Louis Cuscusa, cet allocataire du RSA qui s’est immolé par le feu parce que l’on lui refusait son RSA pour des questions de photocopies, et que tout le monde a oublié. J’ai parlé de la route et je l’ai prise. Mais il n’y avait aucun défi et je ne me suis jamais interdit le droit d’arrêter si j’en avais marre. C’est peut-être pour cela que je suis allé jusqu’au bout : parce qu’il n’y avait pas de pression. »
Alain Guézou insiste sur la dimension collective de sa démarche militante : « Ce sont des allocataires du RSA qui un jour se sont levés pour dire qu’eux aussi peuvent se mettre debout. Je ne suis parti seul que pour des questions pratiques, parce que c’est plus simple de recevoir une personne à dormir chez soi que tout un groupe. C’était aussi une question de moyens, de financement. Et puis au bout d’un moment, tout simplement j’étais pris dans mon trip. »
Sur la route
« C’est quelque chose que les autres ne comprennent pas : quand vous êtes dans votre trip vous n’avez plus besoin de personne, et une fois revenu à Grenoble vous n’êtes pas disponible parce que vous êtes encore dans votre trip et qu’il faut prendre le temps d’atterrir, et que l’atterrissage est douloureux. »
C’est ce terme de « trip » qu’Alain favorise, le préférant largement à celui de « pèlerinage ». « Je n’étais pas parti pour voir Dieu-Hollande. J’ai fait comme Forrest Gump : aller au bout de la rue, et se demander ce qu’il y a à l’autre bout du département, puis se demander ce qu’il y au bout d’un autre état… »
« Et puis Hollande avait dit à Rennes qu’il ne laisserait personne au bord de la route. Alors nous nous sommes dit : prenons-la, cette foutue route ! Tout cela s’est décidé très vite. L’idée est venue dans la seconde moitié de juillet, et je suis parti le 5 août. Une manière de montrer qu’un allocataire du RSA est toujours dans l’urgence et doit toujours initier de nouvelles choses. Tout le temps. »
L’aboutissement de ce « trip », c’était la rencontre avec Michel Sapin, à deux reprises sur les plateaux de RMC le matin, et de Canal + le soir. « Je n’aimerais pas que l’on ne se revoit plus » a dit le ministre du travail à Alain au sortir des locaux de la chaîne cryptée. « Après, ce qui se dit entre les petits fours, c’est comme à la fin des vacances : je vais t’envoyer une carte postale, et puis le temps file et Sapin m’a déjà oublié. » Pour autant, Alain Guézou a déjà contacté le ministère du travail pour que son association puisse obtenir une entrevue.
Autre rencontre, officielle celle-ci : Marie-Arlette Carlotti a reçu Alain, qui s’amuse d’avoir vu les policiers arrêter les voitures pour le laisser passer avec son sac à dos. « Très bien reçu » par la ministre déléguée, il a pu remettre sa lettre à l’intention de François Hollande et nous montre, non sans satisfaction, le document certifiant « pli remis » de la Présidence de la République, frappé des armes de la République Française.
Le vagabond solitaire
Une lettre qui se présente comme « l’expression collective d’Allocataires du RSA de l’Isère » et met en avant le fait qu’aucun titulaire du RSA n’est représenté dans le débat sur les retraites qui va s’ouvrir ou dans les négociations de l’UNEDIC, et demande « un véritable dialogue social, qui ne se limite pas aux partenaires sociaux. » Une revendication qui reprend le message délivré par Alain Guézou sur l’antenne de France Inter, lorsqu’il estimait que des associations comme le Secours Populaire avaient « fait de la misère leur fonds de commerce » et considérait qu’elles n’avaient pas la légitimité suffisante pour prétendre représenter les allocataires du RSA. « Mais je n’ai jamais dit que j’étais contre les associations caritatives », précise t-il.
Pour ce qui est du traitement médiatique de son action, Alain ne mâche pas ses mots. Très satisfait de l’accueil qui lui a été fait par France Inter ou BFM TV, il l’est nettement moins par celui de Canal Plus. « J’ai été un animal de foire qu’on sort de sa cage pour faire de la lumière au dompteur. Sur BFM, j’ai pu dire tout ce que j’avais à dire. Sur France Inter, l’accueil de Cohen a été extraordinaire. Mais c’étaient des directs avec les Français qui se lèvent tôt le matin. On ne s’adressait pas aux gens qui ont fait la fête toute la nuit. Ce n’est pas le même public ! »
Les clochards célestes
Le président de RSA 38 fait également le tour des responsables politiques de la région qui l’ont soutenu, citant par exemple José Arias (Conseiller général de l’Isère) qui était présent lors de son départ de Grenoble, ou Ariane Simiand (conseillère municipale de Grenoble) « qui apprend par hasard sur son lieu de vacances que je passe près de sa maison de famille et m’appelle pour me proposer de me loger, alors que l’on ne se connaît pas plus que ça. » A l’inverse, Alain ne manquera pas de déplorer l’absence de message de soutien de la part de la ministre Geneviève Fioraso.
La politique fait d’ailleurs partie des préoccupations premières de RSA 38, avec l’approche des échéances électorales. « Il faut qu’on arrête de prendre les allocataires du RSA pour des imbéciles. On est des citoyens. Ceux qui me demanderont d’être sur la photo avec eux pour les municipales risquent d’avoir des surprises. Je veux que les gens qui se présentent prennent des engagements écrits, décidés par l’association RSA 38 et par l’ensemble des allocataires du département ! »
Quels seront les prochains combats de l’association ? Alain nous explique que l’idée de présenter une liste pour les élections européennes est dans les esprits, et nous parle également de la question des bourses scolaires, dont il estime que les allocataires du RSA peuvent être injustement privés lors de l’entrée de leurs enfants au lycée. « Ce n’est pas parce que je suis au RSA que je ne dois avoir que des ersatz de choses », nous dit-il en tapant des phalanges sur la table, pour conclure.