Depuis 2000, les étrangers en situation irrégulière peuvent être soignés en France gratuitement grâce à l’Aide Médicale de l’État (AME). Une situation qui divise la classe politique française et fait réagir les associations. Entre humanisme, coût et prévention, la question fait débat.
Déjà en 1893
Pour permettre aux français les plus démunis (vieillards, infirmes et sans-ressources) de bénéficier d’un accès gratuit aux soins de santé, la loi du 15 juillet 1893 sur l’assistance médicale a été votée pour la création de l’Assistance Médicale Gratuite AMG. Un demi siècle après, en novembre 1953, un autre texte étend l’application et stipule : « Toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d’attribution, des formes de l’aide sociale […] »
La « Loi Pasqua » relative à la maîtrise de l’immigration a tout bouleversé en supprimant le droit à la protection sociale pour les sans-papiers.
C’est la loi 99-641 du 27 juillet 1999 relative à la Couverture maladie universelle CMU qui a prévu un dispositif d’aide médicale propre aux étrangers en situation irrégulière : l’AME.
Mise en place par le gouvernement Jospin et entrée en vigueur le 1er janvier 2000, l’AME donne droit à la prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers du bénéficiaire, ainsi que ses ayants droits (enfants et personnes à sa charge).
AME, Mode d’emploi
Pour avoir accès à cette prise en charge, plusieurs conditions sont nécessaires. Il faut résider en France de façon ininterrompue (sauf dans les cas d’urgence et les enfants) depuis plus de 3 mois. Et pour les personnes sans domicile fixe, elles peuvent élire résidence auprès d’un CCAS ou d’une association agréée http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F17317.xhtml . Le demandeur ne doit pas percevoir des ressources dépassant un certain plafond : http://www.cmu.fr/ressources-cmu-complementaire.php .
Le demandeur doit remplir le formulaire demande d’aide médicale de l’État http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/R1266.xhtml contenant les indications en fonction de sa situation et le déposer à la caisse primaire d’assurance maladie CPAM de sa commune.
L’étude du dossier prend 2 mois. Dépasser ce délai sans réponse signifie le rejet de la demande. Le demandeur peut faire une réclamation « gracieuse » auprès du CPAM ou saisir la commission départementale de l’aide sociale CDAS dans les 2 mois suivant la décision.
Par contre, si elle est acceptée, le bénéficiaire sera convoqué pour retirer sa carte d’admission à l’AME de 1 an renouvelable (mais pas automatiquement, il devra faire sa nouvelle demande, de préférence, 2 mois avant la date d’échéance).
Un débat houleux
Depuis sa création, l’AME nourrit des débats au sein de la classe politique. Son coût (+ 5 % / an en moyenne) est la principale raison de ces affrontements. Les uns trouvent le budget alloué à l’AME très exorbitant. Les autres regrettent que tous les sans-papiers n’y aient pas recours.
La droite met en avant des arguments financiers et déplore la suppression de la franchise médicale de 30 € demandée aux bénéficiaires, qui devait rapporter au moins 6 millions d’euros. Cette « générosité exagérée » – soigner des étrangers en situation irrégulière – a poussé certains ténors de la droite et du FN à demander sa suppression sauf en cas d’urgence. Mais d’autres ne sont pas de cet avis et estiment que l’AME n’est pas seulement une générosité, mais une barrière contre les maladies infectieuses et contagieuses.
La gauche, de son côté, joue la carte humaniste et mise sur la protection de tous. C’est ce que justifie la ministre de la Santé Marisol Tourraine, qui estime que soigner des étrangers en France, c’est prendre des mesures de santé publique contre les risques d’épidémie et de contagion. D’ailleurs, le docteur Jean-François Corti, directeur des opérations France à Médecins du monde, juge : « Le vrai problème, c’est plutôt que beaucoup de gens qui auraient droit à l’AME n’y ont pas recours ».
L’AME est une protection certes nominative, mais collective dans la mesure où elle met tout le monde à l’abri. Car comme disent les Comoriens : « Dans un sac, une mangue pourrie contamine les autres mangues ».