Le chômage a reculé entre août et septembre, nous disent les chiffres. Au-delà du fait objectif – moins de demandeurs d’emploi que le mois précédent –, quel sens peut-on trouver à ces données ?
Deux chiffres circulent beaucoup ces derniers jours : 23 800 et 0, 7 %. Un peu vite, on les présente respectivement comme le nombre de demandeurs d’emploi en moins et le pourcentage que cela représente dans la masse des chômeurs.
Sauf que ces deux chiffres ne concernent que la catégorie A : celle des chômeurs sans aucune activité, certes la plus nombreuse mais nullement la seule.
Choisir ses chiffres
Le nombre de chômeurs en France métropolitaine toutes catégories confondues était de 6 116 300 en août 2015 ; il est « tombé » à 6 111 300 en septembre de la même année. Au final, une baisse extrêmement faible – à peine cinq mille demandeurs d’emploi de moins, soit 0, 082 % de recul réel.
Examinons d’autres chiffres et d’autres courbes, comme a eu l’excellente idée de le faire le Journal du Net : nous verrons que cette baisse ne concerne que les chômeurs de moins de six mois – les autres ont au contraire augmenté. La forme la plus préoccupante de chômage, le chômage de longue durée, celui qui enfonce chaque jour un peu plus dans la précarité et la pauvreté, ne recule donc pas.
Choisir son cadre
Nous parlons beaucoup ces derniers jours de l’évolution mensuelle – entre les mois d’août et de septembre – mais il pourrait être pertinent de chercher une vue un peu moins microscopique. Revenons à la catégorie A puisque c’est sur elle que se sont concentrés les chiffres ces derniers jours et examinons sa situation sur un an : au mois de septembre 2014 elle comptait 3 432 500 demandeurs d’emploi qui sont devenus 3 547 800 un an plus tard, en septembre 2015 : 115 300 chômeurs de plus en un an pour la seule catégorie A.
Il existe aux Pays-Bas un type de peinture murale, le witje, dont les nombreuses nuances de gris produisent un tel effet plastique que les observateurs croient à des reliefs de marbre plutôt qu’à une représentation plane ; on imagine ainsi un ornement sculpté là où il n’y a en fait qu’une peinture.
Prétendre qu’un recul de 0, 082 % témoignerait d’une amélioration de notre marché de l’emploi relève de la pure malhonnêteté intellectuelle. Les chiffres ne mentent pas, mais ceux qui les brandissent le font souvent, créant un witje plaisant (le chômage reculerait) là où la réalité est bien moins reluisante (plus de chômeurs, qui le demeurent plus longtemps).