À l’occasion d’une journée d’échanges autour de l’insertion par le logement, Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a fait le point sur l’état du mal-logement en France.
Ce 5 novembre, la Fondation Eiffage Construction organisait une journée autour de l’insertion par le logement à Vélizy, en région parisienne. Christophe Robert était présent à cette journée d’échanges. Chaque année, depuis 20 ans, la Fondation publie un rapport sur l’état du mal-logement en France. Et la situation continue à se dégrader…
Des chiffres en hausse
En 2015, la France décompte 3,5 millions de personnes mal-logées, que ce soit des logements de fortune ou des habitats insalubres ou surpeuplés. La situation des personnes les plus précaires se dégrade : de 2001 (date à laquelle des données statistiques commencent à exister) à 2012, le nombre de SDF a augmenté de 50 %. Parallèlement, on constate une résurgence des bidonvilles en France alors qu’ils avaient disparu dans les années 70 : ce sont 20 000 personnes qui vivent actuellement dans des bidonvilles.
Les situations les plus dures de mal-logement sont donc loin d’être enrayées et la saturation quasi-permanente du 115 (numéro d’urgence pour le logement) en est l’illustration criante.
Un élargissement des victimes de la crise du logement
Certaines catégories de population sont connues pour être vivement touchées par le mal-logement : les jeunes et les familles monoparentales, ainsi que les migrants. Au-delà de ce premier cercle, la difficulté d’accès ou de maintien dans le logement touche une partie de plus en plus vaste de la population. On a vu l’apparition des travailleurs pauvres depuis une quinzaine d’années : en 2015, ce sont 8,5 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. De même, 5 millions de ménages sont concernés par la précarité énergétique, c’est-à-dire la difficulté voire l’incapacité à pouvoir chauffer correctement son logement, et ceci à un coût acceptable.
Au total, ce sont 10 millions de personnes qui sont touchées de près ou de loin par la crise du logement. Cette augmentation des chiffres se traduit aussi qualitativement par un accroissement de la ségrégation territoriale et de la baisse des mobilités : les familles n’arrivent plus à changer de logement et toute une partie de la population est isolée dans les quartiers dits « sensibles ». Pour Christophe Robert, « enrayer le phénomène de ségrégation territoriale est un des enjeux majeurs que doit relever la politique du logement. »
Comment agir face à l’étendue de la crise du logement ?
Il y a urgence à aider les plus fragiles. La trêve hivernale commence, et avec elle, plusieurs mois de « répit » qu’il s’agit de mettre à profit pour éviter les expulsions à la fin de cette période. Renforcer l’accompagnement des personnes fragiles est essentiel. Il s’agit donc de démultiplier les actions de protection et de prévention autour de ces publics ( procédures d’ouverture de droits, échelonnage des dettes, aide au relogement…)
Par ailleurs, il n’y a pas assez de logements sociaux et ceux-ci restent encore trop chers.
Plusieurs solutions complémentaires permettraient de résorber le problème : la construction couplée à la captation de logements privés existants. Développer la construction de logements sociaux serait aussi un moyen pour lutter contre la fracture énergétique tout en relançant l’emploi.
Par rapport à la ségrégation territoriale, il s’agit d’accroître l’offre de logement en dehors des zones prioritaires et la loi SRU reste un bon levier pour favoriser la mixité sociale. Il faudrait aussi mettre en place des outils de maîtrise des prix du loyer privé et favoriser l’accès à la propriété dans des secteurs où le foncier est considéré comme trop cher. Enfin, il est important de donner des moyens aux quartiers sensibles afin que ceux-ci deviennent aussi des lieux de promotion sociale.
Des moyens financiers sont nécessaires à la mise en place de solutions. Pour Christophe Robert, il faut repenser le financement de la solidarité en France : « Il faut redistribuer différemment les richesses dans le pays en utilisant des outils fiscaux. En fiscalisant par exemple les logements trop chers, on pourrait dégager des moyens financiers pour construire des solutions de logement social dans des zones qui en sont dépourvues. »
Et le délégué général de la Fondation Abbé Pierre de rappeler que le projet de loi des finances porté par le gouvernement, qui contient un volet sur la baisse des APL (Aides Personnalisées au Logement) risque de fragiliser fortement les plus modestes. Enfin, il nous confie sa crainte de « Voir le milieu associatif affaibli par manque de moyens, alors que celui-ci propose des solutions innovantes en matière de logement social, des solutions qu’il faudrait au contraire démultiplier sur le territoire ». Les solutions exigent l’engagement de tous (bailleurs sociaux, État, associations…). Chacun est-il prêt à s’engager ?