Avec Après le Silence, Didier Castino livre un premier roman poignant, un témoignage intime de la vie ouvrière, un récit qui raconte une époque à travers le prisme d’une histoire familiale meurtrie.
« Et je m’appelle Louis Georges Edmond Catella. Je travaille à l’usine toute la semaine, c’est dur, mais ça me plaît. Je suis quelqu’un qui avant tout travaille, a toujours travaillé. ». Dès les premières phrases, on est immergé dans l’univers de cet homme qui a voué sa vie à l’usine, qui a été happé par elle très tôt, qui n’a pas eu à choisir.
Un monologue intérieur
On écoute la voix de ce monologue intérieur, on entre dans la vie de Louis, l’auteur nous y invite. On y entre, malgré tout, un peu par effraction. L’homme se confie, il raconte la dureté d’un travail qui épuise, il conte le militantisme, les espoirs sans cesse déchus, la lutte qui parfois paraît vaine. Mais il croit au Parti communiste, Louis, et il croit en Dieu aussi.
Et puis, il y a Rose et ses fils, les vacances en Savoie, partir au grand air… « je veux transpirer en dehors de l’usine, en famille, suer avec les enfants, avec Rose, transpirer et se dire qu’on sent bon, se dire qu’on est bien, qu’on aime bien sentir cette odeur de sueur, que c’est peut-être du bonheur, la 2 CV, la chaleur, les pets des enfants. »
La vie se déroule ainsi, entre l’usine et la famille, entre l’ardeur des luttes syndicales et la ténacité pour apprendre à écrire, passer enfin le certificat d’études. Mais un beau jour de juillet, tout s’arrête : Louis Catella meurt, écrasé sous un moule de plusieurs tonnes. Le récit ne s’achève pas pour autant et c’est là que le lecteur comprend le subterfuge. Le narrateur n’est pas Louis, mais son fils le plus jeune, âgé de sept ans à l’époque des faits.
Entre transmission et trahison
Et c’est encore la parole du fils qui raconte l’après, qui parle au nom de son père défunt. C’est cette parole qui décrit l’accident, qui raconte l’enterrement, qui évoque le deuil impossible de Rose.
Les voix s’entremêlent, le fils invente les réactions qu’aurait eues le père devant la vie nouvelle, la vie sans lui. Peu à peu, il tente de sortir de la parole élogieuse, quitter la rengaine unanime qui place son père sur un piédestal inaccessible. Peu à peu, il trahit. Après le silence est le livre d’un deuil et d’une émancipation : une histoire de transmission et de trahison. Didier Castino nous entraîne dans le sillage de ce conte à plusieurs voix, où l’émotion affleure : un roman social qui parle au cœur.
Après le silence
de Didier Castino
Éditions Liana Levi
224 pages, 18 euros