Claude Carrara, co-fondateur de la Maison Des Jeux à Grenoble, est un fervent partisan du jeu libre et gratuit, pour le plaisir. Il défend avec passion sa vision du jeu comme pratique culturelle émancipatrice.
La naissance de la Maison Des Jeux
Claude Carrara a la passion du jeu depuis toujours. Devenu instituteur, il rencontre Alain Bideau, l’initiateur de la première MDJ (Maison Des Jeux) à St Fons, et s’inspire de sa démarche (défendre le jeu pour tous) pour créer, avec son collègue Clément Glangeaud, une MDJ à Grenoble.
L’association naît en 1991 : pendant 3 ans, l’activité sera exclusivement bénévole. La structure expérimente dans des ateliers périscolaires, organise des formations et anime sur la place publique. En 1994, elle se rapproche de Peuple et Culture, qui propose à Claude Carrara une mise à disposition de son poste d’enseignant sur la MDJ.
Une certaine conception du jeu
Si le co-fondateur de la MDJ se reconnaît immédiatement dans l’éducation populaire, il lui faut expliquer sa vision du jeu, à l’opposé du jeu éducatif. Il défend le jeu pour le plaisir de jouer, et explique comment celui-ci est instrumentalisé : « Dès qu’on arrive en primaire, le jeu devient obligatoirement un outil d’apprentissage : jouer au banquier pour apprendre les dizaines par exemple. »
Et d’expliquer la richesse de cette pratique culturelle, qui génère un espace de partage et d’acceptation de l’autre et de soi : « Il faut que les joueurs acceptent d’être soumis aux même règles et les respectent. Dans cet espace en dehors de la réalité, qu’on appelle la « bulle ludique », ils vont partager quelque chose à la fois de très fort et très fragile : à partir du moment où quelqu’un ne se reconnaît plus dans le jeu, il va en sortir et la bulle va éclater. »
Pour lui, il y a clairement un parallèle avec la vie réelle : « Si j’accepte d’être citoyen dans une société, j’accepte un certain nombre de règles. Mais, si certaines règles ne me conviennent pas, et qu’il y a accord avec les autres personnes, alors nous pouvons les changer pour le bien vivre ensemble. »
Un vecteur de lien social
Le jeu revêt d’autres qualités pour ce passionné : « Quand on est cinq, tous différents, autour de la table, il faut avoir des antennes pour sentir, faire des concessions et que les autres en fassent. J’aime gagner, mais je changerai d’attitude si je joue avec des personnes qui n’ont pas l’esprit compétitif. En ce sens, le jeu est une bonne école pour se connaître, se contrôler, et s’adapter. »
Et, de nouveau, le parallèle avec la citoyenneté fait jour : « Si on souhaite amener des gens vers des valeurs, il ne s’agit pas d’être campé sur ses positions : il faut comprendre où ils en sont et partir d’eux. »
Des valeurs qui se vivent au quotidien
Pour ce militant, les valeurs se vivent aussi au jour le jour, à travers l’organisation du fonctionnement de la structure : « Ici, il n’y a pas un directeur, une secrétaire, un animateur… Ces tâches sont partagées par tous. Ce qui est plus rentable d’un point de vue économique, car on démultiplie les forces. C’est aussi plus formateur d’un point de vue humain : certaines personnes, qui sont passées par la MDJ, ont créé ailleurs des structures similaires, car elles avaient une idée globale du fonctionnement. »
Un fonctionnement en direction collégiale
Au-delà du partage des tâches, la direction est collégiale : la fonction est assurée par le groupe des sept salariés, qui se réunissent un jour et demi par mois pour prendre collectivement les décisions sur le principe de un salarié = une voix. Claude Carrara explique ce choix : « Je voulais qu’il n’y ait pas de rapport hiérarchique, car je trouve cela déresponsabilisant. Ce qui peut être un inconvénient pour certaines personnes qui sont perdues si elles ne sont pas évaluées, il faut dire qu’on est très conditionné par l’Éducation Nationale là-dessus. Notre modèle n’est pas idéal : il suppose l’adhésion de tous, sans laquelle ça ne fonctionnerait pas. »
L’utopie réaliste ?
Quand on évoque ses 25 années d’expérience à la MDJ, Claude Carrara réaffirme son plaisir à venir chaque matin, et son désir de voir le fonctionnement de la structure se refléter ailleurs : « Permettre à chacun d’évoluer dans la société en ayant de nombreuses libertés, de l’autonomie, et être capable de participer aux décisions collectives, c’est notre utopie. »
Et quand on parle de l’avenir, celui de la MDJ, mais aussi plus globalement celui du monde associatif , cet homme engagé s’inquiète de la déperdition de moyens : « La collectivité doit prendre conscience de l’importance du travail associatif, du bénévolat, de l’engagement… Qu’on ne raisonne pas uniquement dans l’utilitaire, ce n’est pas le moment de se renfermer chez-soi, bien au contraire. »
Pour plus d’information
Maison Des Jeux
48, quai de France à Grenoble
tel 04 76 43 28 36
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