Ce lundi 26 septembre 2016, le Collectif Soif de Connaissances organisait une journée d’échanges sur le travail pair à l’IFTS.
Au programme : histoire et enjeux de cette pratique professionnelle récente en France.
Un métier méconnu en France
« Le travail pair fait référence à la mobilisation d’un savoir d’expérience, habituellement stigmatisé, pour travailler auprès de publics connaissant des expériences de vie similaires». C’est ainsi que le Collectif Soif de Connaissances (Ifts, ESSSE, Fnars, Odenore) définit cette pratique – émergente en France – mais largement intégrée et institutionnalisée dans d’autres pays comme les Etats-Unis ou le Canada.
Promouvoir et développer
Promouvoir le travail pair, c’ était un des objectifs de cette journée de partage de savoirs organisée dans le cadre du Projet de développement et promotion du travail pair, financé par la DIHAL (délégation interministérielle à l’hébergement). Pour Juliette Gervaux – Chargée de mission sur le projet – il s’agit avant tout de reconnaître une expérience de vie comme compétence professionnelle : « Le concept de travail pair, ça interroge beaucoup en France, car on reconnaît en général les compétences sur la base d’un diplôme universitaire. Le travail pair vient contrebalancer cette logique ».
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Faire réseau
Le deuxième objectif de la journée était de « Faire réseau autour des travailleurs pairs ». En effet, ceux-ci sont disséminés sur le territoire et agissent dans des environnements différents (du champ de la psychiatrie, à celui de la toxicomanie et des addictions, en passant par celui du social et de l’exclusion). Il s’agissait aussi de rappeler que « Le travail pair se veut complémentaire du travail social et non concurrentiel » comme le précise Julien Levy, sociologue à l’Odenore et animateur de la journée, lorsqu’il évoque les différents enjeux du temps d’échanges.
Un travail complémentaire
Pour Élise Martin, travailleuse paire au service Totem (dispositif inscrit dans le cadre de la politique du « Logement d’abord »), son travail ne remplace pas, mais complète celui de ses collègues éducateurs. Elle se positionne aussi par rapport à sa proximité avec les personnes qu’elle accompagne : « Pour beaucoup, on les connaît de l’extérieur, il faut réussir à faire la part des choses, quand on est au travail et quand on ne l’est pas ».
L’expérience canadienne
Les apports des travailleurs pairs, ce sont les savoirs spécifiques expérientiels tirés de leur parcours de vie. Dans le domaine de la santé mentale par exemple : « Les pairs aidants sensibilisent leurs collègues aux réalités vécues par les personnes à la rue, le traumatisme que peut représenter l’hospitalisation forcée » explique Baptiste Godrie – sociologue et chercheur au centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales (CREMIS). Mais leur travail ne s’ arrête pas là : dans un pays où l’entraide entre pairs s’est développée comme une ressource alternative à la psychiatrie institutionnelle « Les pairs aidants vont favoriser l’établissement d’un rapport de négociation, d’un modèle de prise de pouvoir de la personne accompagnée sur sa médicamentation ».
Une question de regard
Si le modèle canadien permet d’affirmer que le travail pair contribue pleinement à faire évoluer les pratiques professionnelles, l’activité a encore besoin d’être reconnue en France. Le travailleur pair n’est pas toujours considéré comme un professionnel à part entière. Comme le disait un des participants à la journée : « C’est une question de regard : du côté du déficit ou du potentiel ».
S’il reste du chemin à parcourir, le travail pair invite les travailleurs sociaux à repousser les limites de leur culture professionnelle et à ouvrir, surtout, de nouveaux espaces pour les personnes accompagnées.