Du 29 octobre 2016 au 29 janvier 2016, le Musée de Grenoble expose le travail des dix dernières années de Vassily Kandinsky, sa période parisienne. Une balade surprenante et joyeuse dans l’imaginaire coloré de l’auteur !
Très attendue, Kandinsky, 1933-1944 « les années parisiennes » donne le coup d’envoi de la première des quarante expositions programmées en France pour célébrer les 40 ans d’existence du Centre Pompidou. D’ailleurs, dimanche 6 novembre, 6 150 visiteurs ont franchi les portes du musée : une belle reconnaissance pour l’auteur de la révolution artistique la plus radicale depuis la Renaissance, stigmatisé de son vivant.
La « Grande Synthèse »
En effet, il avait dû quitter sa Russie natale pour l’Allemagne en 1921 suite à l’interdiction officielle de toute forme d’art abstrait, avant de s’exiler en France en 1933 pour fuir la montée du nazisme. Pourtant, malgré ce contexte tragique, les tableaux de cette période glorifient le caractère joyeux et festif de la vie. Sa gamme de couleurs s’adoucit pour devenir plus subtile et plus douce. Il utilise davantage les tons pastel. Le figuratif disparaît peu à peu au profit de formes géométriques originales, bariolées et étranges. Exécutées avec une telle minutie qu’elles semblent dotées d’une vie propre. Elles donnent l’impression de flotter. Plusieurs tableaux, s’imbriquent et cohabitent dans une même toile. De plus, naturalisé en 1939, il choisit de titrer en français ce qui accentue encore les paradoxes et les ambiguïtés. Qualifiée par Nina Kandinsky de « Grande Synthèse », le cheminement de cette transition se révèle pleinement au fil des soixante-dix peintures et dessins préparatoires présentés.
Une culture éclectique
Le parcours chronologique de l’exposition est jalonné de plusieurs de ses ouvrages de prédilection. Il s’intéressait aux innovations de son époque, à la théorie de la lumière, à la cosmologie, à l’évolution de la photographie et aux techniques de reproduction, à la morphologie, à la mécanique quantique et aussi et surtout à la théorie des couleurs opposées de Goethe. Le visiteur peut ainsi percevoir l’atmosphère de réalisation de ses tableaux et explorer quelques clés pour décoder son message. On peut légitimement se demander : d’où lui vient une telle inspiration ?
La puissance de la couleur
C’est dans ses écrits qu’un début de réponse pourrait se trouver. Il précise qu’un soir, alors qu’il rentrait dans son atelier à la faveur du crépuscule, il aurait été subjugué par la vision déconcertante de trois formes colorées « baignées d’un rayonnement intérieur ». Le changement de perspective de sa toile vue de côté a bouleversé sa pensée : l’objet n’avait aucune nécessité, la puissance du tableau émane de la couleur.
Selon lui, le blanc agit comme « un grand silence », le noir « comme un mort néant après l’extinction du soleil ». Le gris est « sans éclat et immobile », le rouge saturnien évoque la force, l’énergie et la joie, le vermillon traduit « une passion, brûlant de façon égale ».
Il se captive aussi pour les correspondances entre les couleurs et les sons. Il crée par « la nécessité intérieure » pour faire « vibrer » l’âme du spectateur avec des « accords picturaux ». Libre à lui de voguer ensuite vers l’infiniment grand cosmique ou de s’immerger dans l’univers microscopique des cellules et de l’embryologie.
Entre inspiration et construction, il invente son propre langage dont les couleurs et les formes symbolisent les termes : le cercle figure la « juste perfection », le demi-cercle le calme, le triangle posé sur sa base l’énergie. Les lignes, quant à elles, ponctuent la toile : horizontales, elles s’associent au calme, ascendantes à la joie, descendantes à la tristesse. L’épaisseur ou la finesse du trait traduit l’intensité des émotions. Théoricien comme André Breton, il a soumis ses réalisations à un examen méthodique sans toutefois brider et figer sa créativité.
Outre les explications et les analyses, le visiteur ne peut que s’enrichir de sa rencontre avec une œuvre authentique. Les couleurs s’expriment avec davantage de flamboyance que sur les reproductions des meilleurs ouvrages. C’est dans cet esprit que le Musée propose une tarification adaptée et la gratuité pour les étudiants, les demandeurs d’emploi et l’ensemble des bénéficiaires des minima sociaux. Il serait dommage de ne pas profiter d’une telle expérience.
Musée de Grenoble
5, place de Lavalette, Grenoble
Tous les jours sauf le mardi, de 10h00 à 18h30
04 76 63 44 44