(R)éveiller les consciences

Lundi 3 juillet a eu lieu le 6e rassemblement grenoblois en hommage aux morts de la rue. Retour sur un événement indispensable pour lutter contre l’oubli.

Été comme hiver : la rue tue

Cette année encore, le collectif grenoblois « Mort de Rue » organisait un temps de partage et de recueillement en mémoire des habitants de la rue décédés après des années de galère. Cette cérémonie organisée en juillet rappelle que la rue tue, en toute saison.

Pour Jean-Paul, habitant de la rue depuis 8 ans, les conditions de la vie à la rue sont même plus pénibles l’été : « l’hiver, vous vous couvrez, vous mettez une ou deux moumoutes de plus, tandis que l’été, quand il fait très chaud, c’est impossible de dormir ».


Un lieu pour partager le deuil

Et quand les personnes disparaissent, c’est à l’insu de tous, explique Pascal, éducateur à Point d’eau : « Un SDF qui meurt part comme une lettre à la poste. A part quelques déplorations, un moment de surprise fugace, il n’y a pas de deuil, pas de commémoration, c’est l’oubli. Cela renvoie à sa propre indifférence vis-à-vis de l’humain, ce qui est déshumanisant, inacceptable pour nous. Le but, c’est de montrer que, tout un chacun, nous avons de la valeur. »

Avoir un espace pour partager collectivement le souvenir de celle ou celui qui est parti, c’est le sens de la cérémonie, où les témoignages se succèdent à l’image de ce poème d’ Henry Scott-Holland lu en mémoire de Léa, jeune femme tuée par un chauffard :  » La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié. Elle est ce qu’elle a toujours été. Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de votre pensée simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je vous attends. Je ne suis pas loin, Juste de l’autre côté du chemin. »

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Le parallèle avec les migrants disparus

Des témoignages personnels et des plaidoyers pour ne pas oublier, comme celui de Pascal évoquant les migrants disparus en Méditerranée : « Avec des dizaines de milliers de personnes disparues depuis les années 2000, la Méditerranée est devenue la frontière la plus dangereuse du monde, le bilan des pertes humaines est celui d’une guerre, la stricte politique de délivrance des visas ne ménage presque aucune possibilité de passage régulier et devient une nécro-politique, une politique du laisser-mourir : les disparus sombrent dans les limbes du politique avant de se noyer à nouveau dans les statistiques. »


Un espace de revendication

Lutter contre l’insuffisance des actions politiques, c’est aussi un des objectifs de la cérémonie, comme le rappelle Claire : « Sur les questions de logement et d’hébergement, chaque institution rejette la responsabilité sur l’autre […] Les personnes qu’on a citées étaient en grande précarité, être balloté d’hébergement en hébergement ou ne pas avoir de toit, cela a des conséquences vitales : on ne peut pas éternellement en faire une question technique et financière. »

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Les réponses de la Métropole

Face aux questionnements sur le manque cruel de solutions d’hébergement et de logement (5% de réponses positives au 115), Christine Garnier, vice-présidente de la Métropole en charge de l’habitat, répond qu’il faut d’abord libérer des places en hébergement. Faire en sorte que les personnes logées dans des structures d’hébergement étant en situation d’accéder au droit commun – car elles ont obtenues des papiers et le droit à un revenu minimum – puissent aller vers le logement social serait une des solutions.

Elle évoque aussi la possibilité de réoccuper des logements vacants, en précisant qu’une étude portée par l’Observatoire du logement et pilotée par la Métropole est actuellement en cours pour les identifier. Néanmoins, ces futurs logements seront destinés aux personnes en capacité de payer un loyer.

Des réponses qui montrent la nécessité de cette cérémonie : lutter contre l’oubli, un rassemblement « des copains d’abord », mais aussi de citoyens qui refusent de voir décimés les enfants de la rue.

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