Fermeture le mercredi, baisse des effectifs, subventions et soutiens en berne, déménagement incertain, l’association et accueil de jour pour les précaires Le Fournil joue sa survie cette année.
“Cette année, ça passe ou ça casse”, résume Brigitte Ménage, présidente de l’accueil de jour Le Fournil. Après une fermeture contrainte au mois d’août suite à un déficit de 35 000€, l’association qui sert des repas chauds sur place le midi aux plus précaires a fait sa rentrée avec de nombreuses interrogations. Le directeur Joris Schotte se pose sérieusement la question, “est-ce qu’on va être témoin de la fermeture du Fournil ?”. Pour 2017-2018, trois inconnues majeures rendent l’équation financière extrêmement difficile à résoudre.
Plus que 3 salariés ?
En juillet, le personnel du Fournil était composé de neufs salariés. Quatre accueillants sociaux, un chef cuisinier secondé par deux commis de cuisine, un agent polyvalent chargé de la collecte à la Banque Alimentaire, et le directeur. En tout, ce sont quatre employés en CDI et cinq en contrats-aidés CUI-CAE. Un premier contrat CAE n’a pas été renouvelé fin juillet, et une personne en CDI est en cours de licenciement économique. Les quatre autres contrats-aidés restants sont en sursis suite aux décisions gouvernementales de revoir en détails quelles structures peut en disposer, ou non. Comme beaucoup d’associations, Le Fournil est dans l’attente. “C’est le flou, je n’ai aucune garantie”, constate Joris Schotte. Au delà d’un risque de fermeture de la structure, cette incertitude génère aussi de l’inquiétude auprès des employés eux-mêmes, pour certains parents avec enfants. Par ailleurs, l’association a déjà diminué les heures de travail des employés de 35 à 30 heures par semaine.
Vers des baisses de subventions ?
Le Fournil fonctionne grâce aux subventions. Le directeur Joris Schotte passe son temps à préparer les dossiers. Lorsqu’une demande est acceptée, il faut encore attendre le versement, parfois des mois après. “Pendant ce temps là, il faut tourner”, signale Brigitte Ménage. Sans fonds propres, chaque baisse de dotations met en difficulté la structure. Une recherche d’équilibre financier permanente. Les partenaires financiers (la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS), l’Agence Régionale de Santé (ARS), le Conseil Départemental et La Ville de Grenoble) n’apportent pas de garantie sur le long terme. Joris Schotte admet tout de même un soutien important du Conseil Départemental. Ce dernier avait fait une avance de 40 000€ pour effacer la dette de début d’année. Le directeur doute malgré tout d’arriver à obtenir les 63 000€ obtenus cette année. Depuis l’arrivée du directeur et de la présidente actuels en 2011, le budget annuel de fonctionnement-actions est stable autour de 340 000€.
Photo d’équipe du Fournil. De gauche à droite, Brigitte Ménager (présidente), Joris Schotte (directeur), et l’équipe cuisine.
Déménager, mais où ?
Si toutes ces incertitudes ne suffisaient pas, Le Fournil doit déménager en juin 2018. La ZAC Flaubert où se dresse la salle de restauration du Fournil est en plein réaménagement. Le vieux bâtiment doit être détruit. La question remonte à 2014, mais aucune solution valable n’a été trouvée jusqu’ici. La Ville a transféré sa gestion à l’aménageur SPL SAGES, qui n’a imaginé aucune solution pour un accueil de jour dans le quartier. Le Fournil est en contact avec l’élu Alain Denoyelle, adjoint à l’action sociale, pour trouver un nouvel emplacement dans le sud grenoblois. “Le cahier des charges est lourd, il faut trouver un local avec cuisine”, précise Joris Schotte.
Une première proposition dans une ancienne maison squattée avait été refusée en 2016 par le CA, en raison de l’emplacement et du coût de rénovation estimé à 600 000€. Une autre proposition est en cours dans le quartier du Village Olympique. “J’ai l’impression que c’est un leurre, on nous promène avec des propositions pas très réalistes”, s’alarme le directeur. Joris Schotte se livre, “la mission du Fournil est qualifiée d’utile. Si la mairie assumait ce discours, elle devrait trouver une solution”, et ajoute, “j’ai de l’amertume dans la manière dont est pris en compte ce dossier”. “On ne les sent pas motivés”, complète la présidente. Le directeur est lucide, “on est un client difficile car nous n’avons pas de ressources financières”.
Plus qu’un repas chaud le midi
Le Fournil ne se contente pas d’accueillir les personnes pour manger un repas chaud. C’est aussi un espace de prévention, d’accompagnement social. “Une maison pour certains”, confirme Brigitte Ménager. Des activités sont organisées selon les saisons : compétitions sportives, baignades l’été, sortie ski et raquette l’hiver. Sans parler de l’implication du Fournil dans le plan d’urgence hivernal avec la Croix Rouge. L’association contribue à la distribution de soupes, sandwichs et desserts les mardis et jeudis soir. Toutes ses activités qui s’articulent autour des repas chauds sont vouées à disparaître en cas de baisses de ressources.
L’association qui tourne depuis 22 ans perçoit la fin d’un cycle, plus inquiète que jamais. La présidente tient à rassurer tout de même, “on tiendra jusqu’à janvier, février, quoi qu’il arrive”.