Le mardi 9 avril 2019, l’association Un Toit pour tous, en partenariat avec la Fondation Abbé Pierre, a présenté son rapport annuel sur l’état du mal-logement en Isère à l’Auditorium du Musée de Grenoble.
Cet ultime article examine la politique du logement d’abord qui vise à faciliter l’accès au logement en partant du principe qu’un logement est une condition nécessaire à l’insertion socio-professionnelle.
La politique du « logement d’abord »
En septembre 2017, le gouvernement annonçait un plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme.
La politique du logement d’abord a pour but de supprimer les parcours en escalier : les personnes n’ont plus à passer par différents hébergements d’urgence avant de pouvoir bénéficier d’un logement. Ainsi, « Le logement n’est plus le terme du parcours d’insertion, il en est le support. » nous dit René Ballain, président de l’Observatoire de l’Hébergement et du Logement d’Un Toit pour tous.
Au-delà du logement, cette politique souhaite offrir « un accompagnement, si nécessaire, adaptable en intensité et en durée » et « adapté aux situations des personnes ». L’accès à ce logement est sans conditions « le logement devant être ici considéré dans une acception large : un chez soi (permettant abri, intimité, appropriation) stable et durable ». (L’État du mal-logement en Isère 2018-2019).
Richard Diot, directeur de l’accueil de jour du Point d’eau, souligne cette importance de l’accueil et du logement inconditionnel. Pour lui, le logement d’abord, c’est d’abord un logement, être à l’abri, avoir un toit sur la tête, et ensuite, et seulement ensuite, des démarches (administratives, recherches d’emploi, etc.).
En Isère, la politique du logement d’abord est portée par Grenoble Alpes Métropole en lien avec la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS). Son objectif est de mobiliser 300 logements par an sur 5 ans. À terme, ce sont 1500 logements qui seront mobilisés pour répondre au sans-abrisme.
Il est important de rappeler l’existence de dispositifs qui précèdent le plan quinquennal du logement d’abord et qui en appliquent les mêmes principes :
- Initié par le collectif marseillais Logement santé en 2007, « Un chez-soi d’abord » est un programme expérimental qui propose un accès direct au logement aux individus de grande itinérance avec des troubles psychiques ou psychiatriques et leur offre un accompagnement pluridisciplinaire. Expérimenté à Toulouse, Lille et Paris, le programme a fait ses preuves et l’État a décidé de le mettre en place sur douze autres territoires. Ainsi, à Grenoble, 50 personnes devraient pouvoir en bénéficier d’ici la fin 2019.
- Depuis juillet 2015, le Rapport du mal-logement en Isère 2019 (#1) du relais Ozanam accompagne 25 personnes, les « grands exclus » de la rue en rupture avec les dispositifs d’hébergement traditionnels : des personnes seules ou en couples, sans enfant, cumulant divers problèmes (addictions, troubles psychiques etc.). Pour Totem, l’accès au logement est une priorité, une condition préalable à un parcours d’insertion. L’accompagnement proposé à ces personnes est global (accès aux droits, aux soins, insertion professionnelle, suivi animalier…) : ainsi, ce n’est pas un travailleur social mais toute une équipe qui prend un charge la personne suivie.
Même si le logement d’abord a une opinion générale assez favorable, certaines décisions du gouvernement mettent en grand péril sa mise en œuvre. En effet, Didier Monnot, président de l’Association des Bailleurs Sociaux de l’Isère (ABSISE) a déclaré que la baisse des APL de 5€ a forcé les bailleurs sociaux à baisser le prix de leurs loyers ce qui représente une perte de 820 millions d’euros par an pour eux. De plus, l’augmentation de la TVA en 2018 a elle aussi généré une perte de 700 millions d’euros par an. En somme, les ressources des bailleurs sociaux vont passer de 2,2 milliards d’euros à 720 millions par an en 2020.
En conséquence, ces bailleurs sont contraints de baisser la production et la réhabilitation de logements, et de vendre une partie de leur parc immobilier. Le gouvernement les incite d’ailleurs à vendre 40 000 logements par an à l’avenir soit cinq fois plus qu’à l’heure actuelle.
Alors, comment espérer mettre en place une politique du logement d’abord sans un développement accru de l’offre de logements ? Rappelons qu’à l’heure actuelle, 1 seule demande de logement social sur 4 trouve une réponse favorable. Les logements sociaux ne peuvent déjà pas répondre aux demandes toujours plus croissantes, comment pourront-ils le faire avec ces coupes budgétaires ?
Pour aller plus loin :
Rapport sur l’État du mal-logement en Isère 2018-2019
www.untoitpourtous.org
www.fondation-abbe-pierre.fr
Nos articles précédents :
Rapport du mal-logement en Isère 2019 (#1)
Rapport du mal-logement en Isère 2019 (#2)