Les difficultés sociales, professionnelles, économiques ou financières rencontrées par les bénéficiaires du RSA peuvent amener à un mal-être nécessitant un soutien psychologique.
Dans le cadre de l’accompagnement des allocataires du RSA, ceux-ci peuvent bénéficier d’un soutien par un psychologue agréé. Celui-ci intervient pour faciliter l’accompagnement social ou professionnel des bénéficiaires. Jalil LEMSEFFER est l’un des psychologues qui assurent cet accompagnement en Isère.
Qui est Jalil LEMSEFFER ?
Diplômé en psychopathologie clinique, puis formé à la psychothérapie individuelle avec des référentiels ethnoculturels, Jalil LEMSEFFER est salarié de l’association ODTI (Observatoire sur les Discriminations et les Territoires Interculturels). Il s’occupe du soutien psychologique des allocataires du RSA avec des conventions successives signées entre le Département de l’Isère et l’ODTI depuis au moins une vingtaine d’années. Il est titulaire d’un agrément départemental et encadré par un « cahier des charges » signé par les psychologues accompagnant les bénéficiaires du RSA, J. LEMSEFFER reçoit en majorité les patients(es) originaires de pays étrangers. Il accompagne autour de 25 personnes par an dont 40% sont des femmes.
Au Département de l’Isère, Jalil LEMSEFFER travaille aussi comme médiateur entre les travailleurs sociaux et les bénéficiaires étrangers du RSA afin de faciliter la communication interculturelle.
Pourriez-vous nous dire comment vous intervenez dans l’accompagnement en tant médiateur ?
“Par exemple, lorsqu’un travailleur social et le bénéficiaire n’arrivent plus à se comprendre pour un projet dans le cadre du Contrat d’Engagement Réciproque (CER). J’interviens pour savoir si c’est un problème de communication qui crée un souci. Prenons le cas d’un bénéficiaire qui doit assister sa mère en urgence médicale dans son pays d’origine parce qu’elle est seule et que personne ne peut l’aider. Le bénéficiaire décide de retourner dans son pays pour venir en aide à sa mère, sans prévenir son assistante sociale. Trois mois plus tard, il revient et trouve son droit au RSA suspendu. Il ne comprend pas et contacte son assistante sociale qui de son côté est en colère parce que le patient n’a pas respecté ses engagements CER. Cette situation crée un conflit entre les deux en raison d’un non-dit. Mon rôle ici, est d’aider les deux parties à comprendre la situation et de montrer au bénéficiaire l’importance de la communication dans son accompagnement. Dans ce contexte, il aurait dû en amont prévenir son assistante sociale de son absence et éviter ainsi le conflit à venir.” De son côté, le travailleur social comprend la réaction du bénéficiaire et relativise le contexte en reprenant le dossier avec le bénéficiaire.
Dans quels autres types de situations intervenez-vous ?
“Le bénéficiaire du RSA peut rencontrer des difficultés ponctuelles le mettant dans un état de mal être. Il peut s’agir de dépression, de stress, de difficultés de compréhension, de discrimination, de racisme effectif ou supposé, ou de difficultés dans l’éducation scolaire des enfants, par exemple. A la fin de la prestation, j’oriente le bénéficiaire vers une prise en charge médicale, ou un chargé d’insertion pour un retour vers l’emploi…
Je viens en aide à ces personnes pour les sortir d’un fonctionnement chronique… usant beaucoup d’énergie…
Comment faites-vous cet accompagnement ?
“Je travaille en partenariat avec les intervenants du social, du Pôle Emploi, PLIE, les médecins et paramédicaux, le personnel de la justice… Lorsqu’un référent RSA perçoit une souffrance chez une personne, il peut contacter le psychologue pour avoir un éclairage, une distance juste, un recul nécessaire sur la situation. Le professionnel peut aussi faire appel au psychologue et obtenir une aide à la réflexion par le biais du groupe trimestriel où des professionnels du social peuvent exposer une situation critique, chronique au « Groupe Ressources Santé ».
L’allocataire exprimant le besoin d’être entendu peut aussi se rapprocher du psychologue. Le référent RSA lui transmet la liste des psychologues afin que la personne puisse se rapprocher du psychologue de son choix.
Toutefois un lien entre le référent et le psychologue RSA est souhaitable en amont d’un premier contact avec le bénéficiaire, afin d’échanger sur la situation. Je reste à l’écoute pour comprendre la problématique de la personne et lui proposer un soutien qui convient.”
La durée initiale de ce soutien psychologique est entre 6 à 9 séances. Des heures complémentaires peuvent être accordées, en cas de besoin, sur dérogation sollicitée auprès du Service Développement Social.
Quelle est votre motivation à travailler avec les allocataires du RSA ?
“C’est la situation de précarité qui me motive. Payer un psychologue en libéral coûte cher et les séances ne sont pas remboursées par la Sécurité Sociale, comme pour les psychiatres. Les allocataires du RSA ne peuvent pas payer cette dépense alors qu’ils ont besoin d’être entendus et respectés, dans leur souffrance…”
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans cet accompagnement ?
“La grande difficulté c’est aussi la langue du pays d’origine des patients. Connaître des langues étrangères et avoir des références culturelles pour mieux faire cet accompagnement… J’ai la chance de connaître l’arabe et l’anglais et ceci me facilite la compréhension de la situation de certains allocataires…
Une autre difficulté peut naître lorsque la personne ne comprend pas le sens d’un accompagnement psychologique. Il faut faire le travail de pédagogie auprès du patient pour lui expliquer la différence entre un psychologue, un psychiatre, comment ils peuvent s’articuler et se compléter etc. Les gens ont parfois peur d’un suivi psychologique. J’interviens pendant les cours FLE Français Langue Etrangère auprès de migrants pour faire ce travail d’explicitation et de pédagogie sur le rôle du psychologue, dans un contexte interculturel.”
La crise sanitaire a-t-elle un impact sur votre métier ?
“Tout à fait ! Cette crise sanitaire nous oblige à adapter notre façon de travailler. Il faut trouver de nouvelles méthodes d’intervention. Trouver d’autres modalités relationnelles pour accompagner au mieux les allocataires ébranlés par le contexte sanitaire où les blocages, les défenses, peurs et phobies, de tout un chacun, ont été mises à rude épreuve, ou réactivées…Le téléphone est un des outils ayant servi à atténuer les impacts psychologiques de cette pandémie. La voix, en tant qu’outil émotionnel, est un autre repère afin de trouver les bons mots pour une aide à distance. Mais, selon les patients, le présentiel vaut mieux que le distanciel. L’inverse est vrai aussi…“
Que souhaitez-vous pour l’évolution de votre métier ?
“Il est intéressant de continuer à se former sur les syndromes post traumatiques, surtout pour les réfugiés arrivant de contrées où la violence et la guerre civile sont endémiques.
Il serait intéressant que les psychologues continuent à solliciter des partenaires linguistiques par exemple : traducteurs, interprètes, etc. Cela nous permettrait d’avoir des interlocuteurs dans le domaine linguistique.”
Jalil LEMSEFFER apprécie son métier. Il est satisfait des résultats de cet accompagnement qu’il juge positifs, en coordination avec les autres psychologues du dispositif. Il invite les professionnels du social à régulièrement se faire assister par des médiateurs linguistiques, et de constituer ainsi un répertoire des intervenants parlant une ou plusieurs langues étrangères.