Redonner du travail aux chômeurs de longue durée en finançant leurs salaires avec l’argent de leurs aides sociales ; tel est l’audacieux transfert que se propose de réaliser la nouvelle loi « Territoires zéro chômage ».
Porté par Laurent Grandguillaume (photo ci-contre), député PS de la Côte-d’Or, le texte a été approuvé à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 09 décembre 2015 et à l’unanimité moins une voix par le Sénat, le 10 janvier 2016. Un tel consensus parmi les parlementaires a de quoi surprendre ; quelle est cette loi qui réussit ainsi à transcender les clivages ?
Née de l’expérience du terrain
Les racines du concept sont anciennes. Elles apparaissent parmi la base militante de l’insertion dans les années 1990 puis sont reprises et promues par la Fondation ATD Quart monde à partir de 2010.
Tout part d’un triple constat : être sans emploi ne signifie pas être sans compétences, certaines tâches utiles à la société demeurent irréalisées et la privation d’emploi induit pour l’État un coût économique sous la forme des aides sociales.
La solution serait de satisfaire les besoins grâce aux chômeurs et de les salarier avec l’argent qui aurait de toutes façons été dépensé dans leurs allocations.
Un élément essentiel de la loi telle qu’elle a été votée réside dans le fait qu’il ne s’agira pas d’emplois publics : ce sont des entreprises privées qui emploieront les ex-chômeurs.
Période d’expérimentation
Ayant passé haut la main l’étape du Parlement, la loi devrait être promulguée en février 2016, ce qui laissera six mois pour préparer l’étape suivante : son application expérimentale, dès la rentrée 2016.
Il est en effet prévu de tester le dispositif pendant cinq ans sur dix territoires ; cinq communes se sont déjà portées volontaires (Pipriac en Île-et-Vilaine, Mauléon dans les Deux-Sèvres, Prémery dans la Nièvre, Colombey-les-Belles en Meurthe-et-Moselle et Jouques dans les Bouches-du-Rhône).
Tout doit fonctionner au niveau local. Tandis que des chômeurs volontaires verront leurs compétences « inventoriées », les besoins non-couverts seront recensés ; il ne restera plus qu’à mettre les pièces du puzzle aux places qui leur conviendront.
Les embauches consisteront en des CDI et seront payées au SMIC. Si la première année verra l’État participer massivement par le biais du Fonds d’expérimentation, sa place reculera ensuite jusqu’au niveau des emplois aidés.
Laurent Grandguillaume a bénéficié du soutien d’ATD Quart monde bien sûr, mais aussi de celui de structures comme le Secours catholique, l’Association bleu blanc zèbre, la FNARS et bien d’autres encore. Il reste à voir si tous ces efforts aboutiront et si cette « utopie réaliste », comme l’appelle celui qui l’a faite voter, viendra vraiment à bout du chômage de longue durée.