A l’origine, Alpes Insertion est une association fondée en 1955. Elle a pour objet « la promotion sociale et l’insertion des personnes handicapées par des troubles psychiques ». Elle gère aujourd’hui l’ESAT de Fontaine, c’est à dire un Etablissement de services d’aide par le travail, dénommée EIA (Espace Industriel d’Adaptation). Le but est de pouvoir insérer autant que possible, et au niveau des capacités de chaque handicapé, ceux que la maladie psychologique empèche de pouvoir s’épanouir normalement dans le monde du travail. L’EIA propose donc à un public d’handicapés psychiques des activités de gravure ou encore de sous-traitance industrielle (câblage éléctronique, carte éléctronique, montage éléctromécanique, emballage-conditionnement, stockage logistique…).
L’EIA est financé par un budget d’Etat aloué aux Agences Régionales de Santé (ARS), par lequel l’EIA reçoit 80% de ses subventions (+ 20% du produit de ses ventes). Pour entrer à l’EIA, il faut y être orienté. C’est la CDAPH (la Commission Départementale d’Autonomie des Personnes Handicapées) qui centralise des dossiers et notifie aux personnes qu’elles peuvent intégrer l’EIA. L’établissement offre 72 places, occupées, et dispose d’une liste d’attente d’environ une vingtaine de personnes.
Réinsérer par le travail
Le but est donc de réinserer par le travail. Cependant, l’emploi du terme « insertion » ne doit pas induire en erreur : l’essentiel n’est pas l’obtention du travail en tant que telle, mais l’accompagnement, par le travail, de personnes handicapées ; la nature de l’aide n’est pas exclusivement sociale, mais est bien médico-sociale. Stéphane Chevrier, directeur, explique : « L’entreprise d’insertion c’est une entreprise dont la vocation est de proposer un emploi à des gens qui n’en ont pas. En ESAT, on fait travailler des personnes qui sont en situation de handicap. A l’EIA ce sont des personnes en situation de handicap psychique, et ce sont des personnes qui ne peuvent pas travailler dans le milieu ordinaire, mais qui peuvent travailler quand même. Donc c’est un établissement médico-social financé par l’Agence Régionale de Santé (ARS), de ce point de vue là on n’a pas le label d’entreprise d’insertion. ».
L’insertion est pourtant bien essentielle dans le projet de l’EIA, mais dans le sens où c’est aussi une insertion psychologique. Evelyne Paye, Psychologue à l’EIA explique : « Alpes Insertion accueille des personnes handicapées pour s’intégrer dans une vie sociale et professionnelle adaptée, permettre à ces personnes d’élaborer, de construire un parcours actif qui leur permettent de s’insérer par le travail dans notre société. C’est un vrai travail que les personnes exercent, et qui va leur permettre de construire un parcours évolutif, qui va permettre à certains de rejoindre le monde ordinaire du travail à plus ou moins long terme. ». Jean Paul Michallon, éducateur, explique lui aussi : « L’idée c’est de revenir vers le travail, et puis de relancer quelque chose de positif. A partir du moment où on travaille les projets peuvent renaître, des choses qui semblaient figées peuvent frémir et avancer de nouveau, ça laisse des portes ouvertes de nouveau vers quelque chose de positif ». Une réinsertion pas toujours facile, ainsi que l’atteste l’un des handicapés travaillant à l’EIA : « On peut dire que c’est simple mais sans être simple. C’était pas facile pour moi au niveau santé. Je me suis servi de la main des gens qui m’ont tendu la main. Et c’est comme ça que j’ai réussi. J’avais un peu honte de moi parce que j’arrivais pas à m’exprimer, j’arrivais pas à parler, j’arrivais pas à parler comme aujourd’hui, j’avais rien à dire, j’avais perdu un peu ma parole…Faut pas avoir peur, faut se dire qu’on est comme les autres, qu’on va réussir comme eux, on réussit, on peut réussir, il y a pas de souci… ».
Deux structures
Le travailleur handicapé peut dans certains cas faire son chemin. En effet l’un d’eux témoigne : « [Je suis sorti] de là où j’étais, c’était section d’évaluation, après c’était l’ESAT, après c’était l’entreprise adaptée Fontaine Insertion… ». Car en effet le site de Fontaine, en plus de l’ESAT à proprement parler, comprend également une seconde structure, « Fontaine Insertion ». Stéphane Chevrier, qui supervise comme directeur les deux structures, explique : « Fontaine Insertion c’est une entreprise adaptée, c’est à dire une entreprise dont 80% des salariés sont en situation de handicap. A ce titre là on a un contrat avec l’Etat, on a droit au label ‘entreprise adaptée’ ». D’où un financement par la DIRECCTE. « Là on vit à 20% de subventions et à 80% de nos ventes, c’est vraiment une entreprise. Fontaine Insertion c’est une entreprise qui est aidée parce qu’il y a beaucoup de personnes handicapées, alors que l’E.I.A est un établissement médico-social qui est financé par l’Etat et qui vient complèter ses ressources avec ce qu’il vend. ».
Deux structures pour handicapés, essentiellement, mais cependant bien distinctes, et au niveau même du fonctionnement : « La cohabitation [entre les personnes] est différente entre les deux établissements. A l’entreprise adaptée tout le monde est salarié, donc il n’y a pas de différence entre personnes qui ont un handicap et pas de handicap. La différence elle se fait au niveau de la qualification : il y a des ouvriers, des encadrants, il y a des chefs d’équipe, il y a des comptables, peut importe que les personnes soient handicapées ou pas. Alors que à l’E.I.A c’est un établissement médico-social, donc là il y a une grosse différence entre les personnes handicapées qui sont envoyées chez nous, et les encadrants, les salariés, qui sont payés pour encadrer et pour favoriser l’épanouissement de travailleurs handicapés. D’où une relation différente. ».
Une insertion quand même difficile
Il faut cependant noter qu’en termes de pourcentage, rares sont ceux qui arrivent à franchir le cap de l’ESAT. A la question de savoir si Alpes Insertion offre des formations pour gravir les échelons et assumer des responsabliltés, on répond : « Au niveau de l’ESAT on a un plan de formation, mais avant de parler évolution et responsabilité, il faut d’abord que la personne puisse construire un projet professionnel d’autonomie, pour aller dans un milieu ordinaire adapté ou classique. On accueille un public qui est en difficulté, les gens qui sont à l’ESAT aujourd’hui, à 95% c’est des gens qui vont continuer à travailler en ESAT. Quelques uns arrivent à mener un projet mais on est quand même avec des gens dont les capacités de travail sont notoirement affectés par le handicap. La très grande majorité ne souhaite pas aller travailler dans le milieu ordinaire classique et reste chez nous. ».
Transition difficile donc, en partant de l’ESAT, mais bien plus productive en partant de Fontaine Insertion : « Ici on a un plan de formation et les gens peuvent évoluer dans l’entreprise, passer des diplômes, etc. Ça c’est globalement dans les entreprises adaptées. Dans la notre, Fontaine Insertion, on souhaite que les personnes si elles ont la capacité d’acquérir des compétences et surtout de les mettre en œuvre dans un poste plus évolué, le fassent dans le milieu ordinaire classique. ».
Mais quel que soit le taux ou le degré de réussite des handicapés, l’essentiel est produit par leur intégration dans une sphère d’activité. Ils ont, grâce à l’ESAT ou à l’entreprise adaptée, une image d’eux-mêmes renouvelée, la satisfaction et la fierté d’un travail produit, un repère pour s’auto-évaluer, et, finalement, dans la reconnaissance de leur travail, aussi, dignité humaine.