Arthur Haroutiunian : loin d’Erevan

Quand il vous parle, Arthur cherche ses mots. Non qu’il ne maîtrise pas la langue française ou qu’il veuille cacher son accent qui a voyagé avec lui depuis Erevan…

C’est simplement une certaine exigence et une volonté d’éviter tout malentendu qui motive une énonciation lente et réfléchie.

 

Chaque mot est pesé, évalué. Et viendra même le moment où votre interlocuteur vous demandera de préciser votre question pour trouver la réponse adéquate. Cet ancien infographiste du Bon Plan parle doucement en termes choisis, avec cette réserve et cette discrétion qui appartiennent à ceux qui ont eu une vie dense et qui ne confondent pas discuter pour échanger et bavarder pour perdre son temps.

De rencontres et de chance

Sa nonchalance cache un attachement et une ténacité qui l’ont fait venir jusqu’à Grenoble avec femme et enfants, presque en terre inconnue. Où il a fallu faire ses preuves, montrer sa détermination. Un pari qui a payé puisque, après Le Bon Blan et une année de chômage, il a trouvé un emploi chez Caterpillar, d’abord comme monteur-mécanicien, puis au service contrôle qualité. Il semble étonné par son parcours, parle de chance, de rencontres : « Malgré un accent plus fort que maintenant, ma candidature a été acceptée … » Il est le premier étonné et même fier de son propre culot en retraçant le chemin parcouru.

arthur haroutiunian

Simple comme parev

De son arrivée au Bon Plan en 2004, qui a lieu un an après son arrivée en France, il garde un souvenir amusé, se plaisant à être minimaliste : « J’ai vu une annonce à l’ANPE. J’ai été reçu. J’ai été pris… » Simple comme « parev » (bonjour en arménien) !
C’est en insistant un peu que l’on connaîtra sa motivation pour faire partie de l’aventure si particulière de notre chantier d’insertion : « J’étais metteur en page en Arménie. Je cherchais un poste d’infographiste ici. Il fallait que je “garde la forme”, c’est-à-dire que je continue à travailler sur des logiciels actualisés de mise en pages ; bref, que je ne perde pas la main. Travailler dans cette structure m’a permis cela et m’a donné l’occasion de découvrir l’univers Mac, car jusqu’à présent je ne connaissais que les outils sous Windows. ». Et le travail en équipe ? « Je ne parlais pas forcément bien français. J’ai eu la chance que les gens cherchent à comprendre ce que je disais, à me corriger… Si quelqu’un me corrige je dis merci. Ici, on m’a appris la compréhension

phrase ahUn vocabulaire qui s’étoffe, une assurance qui se densifie pour apprendre davantage. « J’ai appris la culture du travail à la française. Cela m’a appris à savoir faire une présentation de mes résultats… Avec mon accent, ce n’est pas toujours évident. » Son accent, son accent ? Qu’est-ce qu’il a son accent ? Il est presque un CV ambulant, une lettre de motivation, preuve d’une origine, d’un vécu, garant d’une volonté sans faille et d’un goût de se perfectionner, de se former. Il constitue la meilleure carte de visite de celui qui n’aime pas perdre son temps. Arthur sourit de son itinéraire, prenant soin de ne pas raconter les moments difficiles, comme si la difficulté ne faisait pas partie de son vocabulaire. Il convient d’un regret : que son emploi au Bon Plan lui ait fait oublier la durée limitée de son contrat, si bien qu’il n’a pas pensé assez tôt à chercher un autre travail. Une année de chômage entre Le Bon Plan et Caterpillar : il s’en veut presque de ce temps perdu. Mais même cette période de chômage a des allures de formation continue. Sa vie, il se plaît à la construire, patiemment, silencieusement concentré.