Berthet s’évade par deux fois

La société n’a qu’à bien se tenir. Entre généralités et biographie, Berthet One, dans sa bande dessinée « L’Évasion 2 – Vive la Liberthet » est de retour dans ce récit des frasques d’un ancien détenu.

Berthet One, c’est cet ancien détenu connu pour ses dessins au style inimitable, sa bande dessinée « L’Évasion », et son graffiti « je n’ai pas attendu Facebook pour écrire sur des murs ». Après quelques aléas de la jeunesse, il finit « au trou ». Là bas, il décide de se consacrer à l’art, notamment l’art du graffiti. Mais aussi celui du récit. C’est en alliant les deux que celui-ci prépare sa grande évasion, sans limes pour scier les barreaux ni petites cuillères pour creuser sous le bâtiment. C’est ainsi que naît sa première bande dessinée. Il s’implique aussi dans des associations pour l’insertion et intervient autant dans les écoles que dans le monde carcéral avec l’association Makadam. Le temps passe, et son talent le propulse dans la sphère médiatique: on parle de lui dans les journaux, il est convié à des rassemblements, et rencontre un certain Cabu, auquel il rend hommage en publiant en préface une illustration qu’il lui avait faite, entre humour et affection.

La rédemption en dent de requin

Dans le tome 1, Berthet One parle de la vie de détenu. À travers ce que l’on devine être ses expériences personnelles, on décèle aussi l’histoire d’autres de ses camarades de fortune. À travers un humour acidulé, il relate ce quotidien différent, que l’on ne devine pas forcément dans le glamour hollywoodien des films d’évasion. Mais qu’en est-il du quotidien d’un ancien détenu ? Quand on sort de prison, celle-ci vous suit encore. Aux travers de nombreuses historiettes mettant en scène différents personnages, Berthet aborde des sujets banals mais important dans la vie, comme l’amour, la vie de couple, les parcours d’insertion, et le retour à la vie civile, entre autres. Le cœur de l’auteur balance entre comédie burlesque, ironie et auto-dérision. Si l’humour paraît gras parfois, il nous rappelle qu’il est là bien question de vie réelle, de ces petites choses qui sont triviales pour certains, et d’une importance capitale pour d’autres tels que Berthet.

Du graf’ sur ta page

Ce n’est un secret pour personne, Berthet est un artiste de rue avant tout. Et c’est avec joie que l’on retrouve page après page cet univers graphique qui normalement appartient aux rideaux de fer des commerces citadins ou aux grands murs blancs des immeubles. Le soucis du détail est présent à chaque case, et l’on peut se surprendre à chercher tous ces petits éléments cachés dans l’arrière plan. Le style caricatural du dessin met en avant les archétypes du monde de la prison autant que du monde post-carcéral, et donne au tout un air de fable contemporaine. Et quel rafraîchissement, quelle preuve de talent que de voir qu’en une seul planche, en une seule illustration, une histoire nous est racontée, avec parfois des atmosphères différentes selon la lecture. Il faut avouer que l’on comprend vite pourquoi ce jeune artiste au style personnel et pourtant limpide à fait une forte impression à Cabu.

Encore une fois, Berthet One nous gratifie d’une bande dessinée pleine de bonnes intentions, d’humour et d’humeur joyeuse, et ce sur un fond sérieux et froid comme une porte de prison. On peut le dire, l’évasion est réussie, et Berthet se permet même de nous emmener avec lui dans cette escapade au goût de fable urbaine universelle sur l’insertion.

 

201509 liberthet coverL’Évasion tome 2 – Vive la Liberthet
Berthet One, 2015
Éditions La Boîte à Bulles
14,00 €