Carine d’Inca, responsable de la coordination générale du festival du Printemps du Livre de Grenoble, nous raconte l’évènement. Entretien.
LBP : Pouvez-vous nous présenter le festival ?
Carine d’Inca : C’est cette année la 13ème édition du festival. C’est un évènement imaginé avec pour objectif de fédérer l’ensemble des acteurs du livre et de la lecture sur le territoire de la ville et son agglomération. Tous ceux qui peuvent avoir envie de s’impliquer dans un évènement littéraire fort peuvent donc y trouver leur place.
Parmi les organisateurs et partenaires de l’évènement, il y a le réseau des bibliothèques municipales de la ville de Grenoble et de son agglomération, mais aussi les libraires grenobloises, ainsi que l’Éducation Nationale puisque des rencontres scolaires sont organisées avec les quelque 13 auteurs « jeunesse » de notre sélection.
La programmation, et le choix des quarante écrivains invités pour des rencontres avec le public, s’articulent autour d’un partenariat, d’un travail de longue haleine et d’un thème, défini collectivement, qui cette année s’intitule « Avec le temps ».C’est la relation de l’Histoire ou bien des histoires avec la réalité et la fiction ; comment transcrire en fiction les mémoires et souvenirs dans un cadre intime, comment tout ça s’imbrique. Ce sont aussi les questions, les personnages et les évènements historiques, comment la fiction peut s’en saisir pour les donner à lire autrement que le simple récit historique plus « rigide » dirons-nous.
Au choix du thème s’ensuit un travail de lecture. Au fur et à mesure que les écrivains nous confirment leur venue, nous achetons leurs livres en quantité conséquente afin de les mettre en circulation. C’est ainsi que nous incitons le public à lire ces écrivains avant de les rencontrer lors de cet évènement. Nous avons pris le parti d’être dans une véritable dynamique d’implication des lecteurs.
Au cours de ce festival, cent cinquante rencontres (dont soixante-dix réservées aux scolaires) sont organisées pour susciter le désir des lecteurs d’être présents. On consacre à chaque auteur un moment seul avec un animateur, afin de parler de son dernier livre et de son œuvre en général, c’est le « grand entretien ». Outre ce dialogue, on propose de participer à des débats, ou de faire une lecture, ou de faire une mise en lecture par des comédiens, ou toute autre entrée possible dans son œuvre pour promouvoir son livre et la littérature de façon plus générale.
Beaucoup d’écrivains ont aussi un lien fort avec les images, comme le cinéma ou bien la photo. Nous organisons ainsi des expositions avec les œuvres des auteurs, ainsi que des projections cinématographiques.
Nous présentons donc une diversité de propositions qui donne des entrées différentes dans la littérature.
Pour cette édition, le Musée de Grenoble a aussi été mis à contribution puisqu’il accueillera dans la Grande Galerie des écrivains pour qu’ils signent leurs œuvres, mais il y aura également diverses animations (lectures, rencontres…) dans d’autres salles du Musée. Celui-ci sera en entrée libre pendant le week-end [les 28 et 29 mars] afin de favoriser la rencontre entre les auteurs et le public.
Comment s’effectue la sélection des livres ?
Nous travaillons essentiellement avec les livres de la rentrée littéraire. Il arrive aussi que nous invitions des écrivains parce que leur livre ou bien leur œuvre générale est parfaitement dans le thème choisi, malgré une actualité décalée.
Cette année par exemple, il y avait deux auteurs incontournables : Marcel Proust (c’est un peu dommage, on aurait du mal à le faire venir !) et Patrick Modiano, dont l’œuvre est très habitée par la notion de souvenirs, de temps qui passe et qui s’entremêle, le présent dans le passé, le passé dans le présent… On a tenu à rendre hommage à son œuvre et son prix Nobel avec une lecture musicale en ouverture du festival.
Pourquoi le Printemps du Livre s’appelle ainsi ?
Parce qu’on a manqué d’imagination ! (rires) Si on voulait avoir le temps de programmer, que les livres circulent et que les élèves aient l’occasion de les lire… La période du printemps s’est imposée.
La ville de Grenoble est-elle importante au niveau national en matière de littérature ?
Oui, complètement. Historiquement, c’est la ville de Stendhal.
Au-delà de ça, c’est dans les pratiques de l’écriture, de par un réseau de bibliothèques implantées dans tous les quartiers, que Grenoble est un endroit repéré nationalement. Ce à quoi s’ajoute une densité de librairies considérable pour une ville de cette taille-là. Et ce sont deux éléments qui ne se font pas concurrence, ils ont plutôt tendance à créer une émulation.
Grenoble est aussi une ville universitaire très dynamique, avec une catégorie socioprofessionnelle assez élevée.
Il existe ainsi beaucoup d’ingrédients qui en font une ville de lecteurs.
Combien de personnes attendez-vous en terme de public ? Y a-t-il un profil type ?
L’audience ne cesse d’augmenter et l’année dernière, toutes rencontres confondues, vingt-deux-mille personnes étaient au rendez-vous.
Le cœur du public du festival est le cœur du public de toutes les manifestations culturelles grenobloises, à savoir des gens entre cinquante et soixante-dix ans – les retraités sont particulièrement actifs.
On touche aussi un public plus généraliste, plus jeune du fait des rencontres scolaires et du type d’auteurs qu’on invite, plus jeune et plus diversifié sur les propositions alternatives aux rencontres et dialogues : expositions, cinéma, spectacles, lectures musicales sont des biais pour capter un public trentenaire ; les adolescents sur des choses ciblées.
Les étudiants, nous arrivons à les capter quand on mène des projets avec eux. Cette année, nous travaillons avec SupCréa, les étudiants seront donc présents au festival. Il faut être dans une démarche impliquante.
Est-ce que cette démarche « impliquante » est un facteur clé du partage de la culture ?
Nous avons toujours eu ce désir de rendre les lecteurs acteurs du festival, notamment en leur proposant de lire avant les ouvrages, pour être questionneurs au moment des rencontres.
Aujourd’hui, on essaie de diversifier les formes de cette implication : on met en place pour la première fois une opération de « booktubage » : on donne la parole sur les livres sélectionnés qui ont interpellé, plu… avant le Printemps sur une vidéo courte (selon le principe des « youtubers »). Ces booktubers sont aidés et accompagnés dans cette démarche. L’idée étant d’ouvrir le dialogue avant sur la programmation et la section des livres de l’édition.
Avec ses nombreuses manifestations culturelles, le festival le Printemps du Livre de Grenoble se propose de vous faire oublier la fraîcheur plutôt hivernale de cette fin de mars !
Le Printemps du Livre de Grenoble, du 25 au 29 mars 2015
Pour connaître le programme complet
Entrée libre au Musée de Grenoble les 28 et 29 mars 2015