Le travail conserve, le chômage tue ? Sans tomber dans les clichés, Michel Debout plaide pour une nécessité : la reconnaissance des effets mortifères que le chômage peut présenter pour certains.
Le chômage c’est la santé ?
Relayée par Libération, une étude de l’INSERM publiée dans la presse estimait que le chômage causait la mort d’au moins 10.000 personnes par an. Un chiffre inquiétant auquel l’institut et le journal s’empressaient toutefois d’accoler le conditionnel.
Bataille des chiffres ou pas, une chose est certaine : le traitement « sanitaire » du chômage n’est pas assez développé dans notre pays pourtant atteint d’un chômage de masse qui ne semble pas, si l’on en croit les experts de l’INSEE ou de l’UNEDIC, sur le point de se résorber. C’est là le constat et le credo de Michel Debout, psychiatre engagé depuis de nombreuses années pour une reconnaissance du chômage comme facteur de risques médicaux.
Le traumatisme du chômage pose une question simple : pourquoi existe-t-il une médecine du travail et pas une médecine du chômage ? Pourquoi les chômeurs ne sont-ils pas suivis par un médecin, au moment de la perte de l’emploi et au cours de la période de chômage lorsque celle-ci s’éternise ? La visite chez un médecin, obligatoire pour tout salarié débutant une nouvelle activité professionnelle, n’est pas de mise pour celui qui la perd. Et pourtant, le chômage tue.
Pression et dépression
Il tue en créant des comportements à risque : l’inactivité peut entraîner des risques accrus de maladies cardio-vasculaires, et les études montrent qu’elle est propice à une hausse de la consommation de tabac ou d’alcool, voire d’autres substances addictives. On regrettera juste que Michel Debout établisse un parallèle douteux entre la consommation des drogues dites « douces » et « dures » – fameuse théorie de la « pente » qu’aucune étude n’a jamais validée et qui est bien plus incitative que dissuasive. Il n’en demeure pas moins que la consommation de ces substances, quelle que soit leur nature, est naturellement dommageable pour la santé physique. Mais aussi morale.
Car c’est là le point central de la réflexion de Michel Debout, sur lequel il revient avec – peut-être trop – d’insistance : le chômage peut entraîner une perte d’estime de soi, un sentiment d’inutilité ou autres symptômes dépressifs pouvant mener le sujet au suicide. Une réalité d’autant plus marquée dans le cas de pertes d’emploi soudaines, via des licenciements de masse ou dans des périodes de retour de vacances, méthodes courantes parmi les employeurs sans scrupules. Et le psychiatre de s’interroger : où sont les cellules d’aide psychologiques dans ces moments-là ?
Le cœur a ses raisons
Si Michel Debout pose des constats clairs et propose des solutions concrètes souvent intéressantes, on lui reprochera peut-être dans la seconde partie de son étude d’adopter une posture volontairement militante, et explicitement marxiste, dans laquelle l’indignation – aussi légitime soit-elle – prend le pas sur la réflexion. En dérivant longuement sur la question du surendettement avant de conclure son ouvrage, ne perd-il pas le fil de son propos ?
Et ne prend-il pas le risque, en portant un jugement général sur le monde du travail et la société capitaliste, de nuire à son engagement spécifique en faveur d’un vrai suivi des chômeurs, et d’une reconnaissance de chacun comme un individu et non un chiffre venant alimenter des statistiques et des courbes déshumanisées ? On peut craindre que Michel Debout ne puisse ainsi que prêcher des convertis. Et on espère que ce ne sera pas le cas, tant son ouvrage propose des pistes de réflexion qu’il serait absurde de balayer d’un revers de la main.
Le Traumatisme du chômage
de Michel Debout
Éditions de l’Atelier
90 pages, 12 €