Pour sa première BD, Miguel Francisco nous livre un récit autobiographique passionnant sur ses souvenirs familiaux et les blessures qu’ils renferment. De la Guerre civile espagnole au Franquisme, Des espaces vides questionne le passé pour éviter l’oubli.
Miguel, l’alter ego de l’auteur, est un dessinateur barcelonais un peu perdu qui peine à trouver un sens à sa vie. Lorsque son fils le questionne sur son grand-père, il décide de lui transmettre ce qu’il sait de l’histoire familiale tout en essayant de combler les zones d’ombre, les espaces vides.
En remontant le cours de l’histoire : l’exil de son grand-père en Argentine, son combat contre les franquistes durant la guerre civile et l’enfance dans la misère de son père, les blessures ressortent. Et avec elles un doute. Faut-il rouvrir les plaies du passé que ses parents ont tenté au contraire de refermer?
D’une l’histoire familiale à l’Histoire espagnole
Reconstituer son histoire familiale sur plusieurs générations n’est pas une tâche aisée. Encore davantage lorsqu’elle est émaillée de guerres et d’injustices. Mais Miguel Francisco s’en sort admirablement bien en ponctuant son récit d’un d’humour et d’une auto dérision bienvenues.
Au travers de flash-back bien construits, on découvre le destin de son grand-père, syndicaliste anarchiste obligé dans un premier temps de fuir l’Espagne et la dictature de Primo de Rivera, avant de revenir résister au coup d’état Franquiste. L’histoire familiale rejoint alors l’Histoire espagnole dans une de ses périodes les plus noires. Le désir de ne jamais oublier rejoint l’amertume des idéaux déçus et le poids des blessures passées. À ce titre, les passages de conversation entre Miguel et son démon intérieur sont parmi les plus poignants du récit : « Que vas-tu faire d’elle ? De la tristesse de ton père, de celle de ton grand-père et de la tienne ? Comment guérir de cette blessure qu’on ne t’a pas infligée ? ».
Une première bande-dessinée pleine de maîtrise
Miguel Francisco a fait ses armes dans le dessin d’animation. Il est un des dessinateurs des personnages du jeu pour mobile Angry Birds. C’est donc la première bande-dessinée qu’il réalise, et le moins que l’on puisse dire est qu’il s’en dégage une grande maîtrise. Pour arriver à ficeler ce récit autobiographique qui voyage constamment entre passé et présent l’auteur utilise une structure narrative intelligente. Le mélange de conversations intérieures, de flash-back historiques, de souvenirs de conversations avec son père et de scènes de sa vie quotidienne forme un récit multiple mais cohérent. À cela s’ajoute un dessin entre réalisme des décors et personnages aux traits plus humoristiques, une structuration et un enchaînement des planches original et une palette de couleurs éclatantes.
Des espaces vides est une œuvre d’une grande maturité. Un livre poignant, où la tristesse et la mélancolie côtoient l’humour et l’autodérision pour aborder avec tact les questions de la filiation et de la transmission.
Des Espaces vides
de Miguel Francisco
Editions Delcourt / Mirages
120 pages
18 €