Dans notre société les conflits se règlent de moins en moins entre protagonistes concernés par un litige. Nous sommes appelés de plus en plus à faire appel à un tiers, dénommé médiateur, pour trouver une solution aux problèmes posés.
« Ange gardien », « vigile » ou « auxiliaire de police » ? Des termes que rejette Denis Setboune, coordinateur de la régie de quartier Villeneuve (12 000 habitants et où le chômage atteint 30% chez les moins de 25 ans, contre 9% en moyenne à Grenoble). « Les médiateurs de nuit existent depuis 1999. Une de leurs missions est d’intervenir lorsque les habitants les sollicitent pour des nuisances commises par des jeunes. » Quelques fois le dialogue s’installe pour désamorcer un conflit, mais dans certaines situations, lorsque les jeunes sont éméchés ou sous l’emprise de la drogue, la situation peut s’envenimer et les médiateurs sont obligés de se retirer, faute de dialogue. « Avec deux médiateurs en face d’un grand nombre de jeunes menaçants, la balance est fortement déséquilibrée », ajoute notre interlocuteur. Les médiateurs sont au nombre de quatre à l‘Arlequin et, depuis 2008, quatre autres interviennent au niveau des Baladins, Constantine et place des Géants, « à titre expérimental ». Déloger les désœuvrés qui squattent les coursives, surtout en hiver, est-ce seulement dans ce but que des médiateurs ont été recrutés et formés pendant la durée de leur mission ? Créer du lien entre les habitants, entre les générations, entre les cultures, ne ferait il pas aussi partie de leur rôle ? Un travail permanent, sur le « vivre ensemble » ne serait-il nécessaire, et pas seulement la nuit ?
L’école est un autre lieu de tension. Une école en crise dans une société en crise a amené l’émergence de la médiation en milieu scolaire. Au collège Les Saules d’Eybens, pour une des deux médiatrices, Celestine Manzati, « la médiation est là pour aider les élèves en décrochage scolaire, en repérant les causes qui amènent un élève à s’absenter. » Bien qu’ayant la responsabilité de créer un lien fort avec les familles dans et à l’extérieur de l’établissement lorsqu’un cas d’absentéisme est constaté, les médiateurs scolaires sont rarement hors les murs. Les parents sont contactés parfois par téléphone pour signaler un problème de retard ou d’absence. Ne faudrait-il pas aller à leur rencontre afin de mieux situer les causes, parfois multiples, de l’absentéisme qui mène à l’échec, et donc au décrochage ? L’absentéisme ne se règle pas via un SMS.
La communication reste certainement le meilleur moyen de prévention face aux crises, aux situations bloquées dans une société qui se fragmente, émiettée et en tension, où le chacun pour soi remplace l’envie de vivre ensemble. Au sein d’une société où l’on « communique » de plus en plus par le biais d’Internet et du téléphone, aller vers « l’Autre », un proche, un voisin ou un collègue, devient de plus en plus rare. Alors, et si on (re)nouait le dialogue pour avoir moins de désaccords sans passer par la case médiation ?