Encore des nouilles ! Voilà le cri lancé dans ce recueil de textes consacrés à l’art de bien – ou mal – manger que Pierre Desproges rédigea pour « Cuisine et Vins de France ».
Appétissant, non ?
Desproges est tellement mort qu’on en oublierait presque qu’il fut un bon vivant, n’ayant de cesse dans ses réquisitoires, ses chroniques, ses livres ou ses spectacles de célébrer le plaisir sensuel de la chair autant que de la chère, et de vanter le plaisir d’une cuisine délicate, sans jamais tomber dans le snobisme. Il est à ce jour le seul humoriste à avoir ainsi chanté le plaisir même de la préparation culinaire, évoquant avec sa plume toujours prompte au lyrisme de cuisine – dans le bon sens du terme – les sons et les odeurs qui font frissonner poêles et casseroles.
Même l’amoureux de Desproges qui ne partagerait pas cette passion pour les bons petits plats ou les grands vins ne pourra s’empêcher d’être fasciné par cette langue, et ce palais, qui s’est confiée pour mission d’exalter le plaisir de bien manger. Avec les mots, la musique et les femmes raffinée, la nourriture fait de Desproges cet être à la fois cynique et raffiné, mélancolique et furieusement prompt à se moquer de tout, et surtout de lui-même.
C’est ce Desproges que l’on retrouve au sein de ces chroniques culinaires, le Desproges au sourire saillant, le Desproges cruel parfois, tendre également, qui cultive l’absurde et ne parvient jamais à se montrer vulgaire, même en débitant les pires obscénités. Il se moque bien d’inviter à consommer le vin avec modération, il ne s’attarde pas sur les dangers du cholestérol, dans sa vie comme à titre posthume Desproges n’est pas homme à brandir le principe de précaution quant il est question de manger et de boire à sa convenance.
Bonjour ma colère, bon appétit ma hargne !
Qu’il relate ses aventures culinaires au Canada, ou dénonce le machisme larvé des sommeliers de restaurants – « je vous demande pardon, monsieur, mais dans ma famille, ce sont les femmes qui font les gosses et qui goûtent les vins » –, on retrouvera la prose si singulière et réellement inimitable, beaucoup s’y sont cassé les dents, du plus lettré des humoristes francophones.
Le fin connaisseur en desprogeries reconnaîtra souvent des textes, adaptés de quelques réquisitoires ou de ses Chroniques de la haine ordinaire, mais aura le plaisir curieux de déguster aussi de véritables inédits. Le tout assaisonné de quelques citations bien senties, et en dessert de la fameuse recette du cheval Melba.
Bien sûr, on a connu des recueils de Desproges plus hilarants, mais il est difficile de ne pas se laisser charmer et de ne pas avaler d’une traite chacun de ces textes ciselés et impeccables. Le regard du gourmet s’attardera nettement moins sur les dessins qui l’accompagnent, à l’exception notable de ceux de Catherine. Même des Cabu, des Riss ou des Tignous ne parviennent à se montrer inspirés, ou inspirants, et le lecteur regrettera les illustrations – légitimes – de Reiser ou d’Édika.
Encore des nouilles (chroniques culinaires)
De Pierre Desproges
Éditions Les Échappés
130 pages, 14,90 €