Soixante-dix après sa libération, Grenoble célèbre les personnages qui ont compté au sein de la résistance, locale ou nationale, et dont le courage et la détermination ont fait l’honneur de la capitale des Alpes et de son département.
Avant la guerre
Rien de plus logique dès lors que la Bibliothèque d’études et de patrimoine prenne le parti de consacrer une très belle exposition aux écrivains résistants, placée sous le signe – sinon le patronnage – de Jean Prévost, prolifique écrivain qui mourra sous les balles allemandes en 1944, peu avant la disparition de son ami Antoine de Saint-Exupéry.
Des amis, c’est ce dont il est question ici, même si les liens peuvent s’avérer tendus dans les échanges épistolaires quelquefois houleux que l’exposition nous offre à voir. Des amis de plume, liés avant guerre par un même amour de la littérature, qui favorisera la naissance de lieux de vie foisonnants. Sous l’égide d’Adrienne Monnier ou dans le cadre des Décades de Pontigny, les auteurs ont l’occasion de se rencontrer, d’échanger, de fraterniser. Sans oublier, bien sûr, la NRF, inévitable espace de sociabilisation littéraire avant-guerre.
Photos et documents d’époque illustre cette période (presque) insouciante, et le visiteur peut ensuite déambuler parmi des vitrines exposant les profils de chacun des auteurs concernés, depuis des écrivains aussi connus que François Mauriac ou Paul Valery jusqu’à des noms peu connus aujourd’hui du grand public, tels que Paulhan ou Duhamel. Sans oublier le philosophe Alain, figure tutellaire de cette génération littéraire.
Les armes et la plume
Déjà, l’engagement est présent : qu’il soit politique ou poétique, l’énergie transparaît dans ces personnalités fortes, à travers les portraits de ces hommes de talent, sinon de génie, qui marqueront l’histoire culturelle de leur pays. Mais cet engagement, confronté aux réalités d’une guerre qui engloutira l’Europe entière, trouvera dans la Résistance une dimension nouvelle et héroïque.
C’est à cette dimension que la deuxième partie de l’exposition se consacre : l’occupation allait bouleverser la vie littéraire de la France, à travers la censure imposée par l’Allemagne et sa fameuse « liste Otto », les conditions imposées aux éditeurs, sinon l’« aryanisation » de certaines maisons d’édition (les éditions Nathan ou Calmann-Levy, par exemple). Certains se feront très bien à cette situation. D’autres choisiront de s’y opposer, par les mots ou par les armes.
Articles de presse, évocations des éditions de Minuit (nées de la Résistance), photos, objets de collection ou témoignages vidéos illustrent cette période trouble et violente, au cours de laquelle trouveront la mort Jean Prévost et Antoine de Saint-Exupéry. Le premier, les armes à la main. Le second, disparu en mer, après avoir été si longtemps moqué pour son exil aux États-Unis et surnommé ironiquement « le résistant de la fifth Avenue ».
Ce sont naturellement ces deux figures héroïques et amies qui concluent l’exposition, soulignant le caractère tragique de leurs décès qui surviendra quelques jours avant une Libération qu’ils auront l’un comme l’autre tant espéré mais n’auront jamais pu voir. Une exposition qui remet de la vie sur des noms aujourd’hui ancrés dans l’Histoire et n’oublie pas, en proposant au visiteur de laisser ses impressions à la craie sur un mur de paroles, de faire le lien avec le présent.
Écrire et résister
du 19 juin au 19 décembre 2014
Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine de Grenoble
12 boulevard Maréchal-Lyautey
38000 Grenoble