#CoupDeCoeur : Le Local des femmes, un phare dans l’océan de la galère

Le Local des Femmes est un accueil de jour réservé à la gent féminine au cœur de Grenoble. Un lieu atypique et nécessaire qui a fait portes-ouvertes le 8 mars dernier.

 

Le Bon Plan a rendu hommage aux femmes SDF dans un article lors de la journée des droits des Femmes le 8 mars dernier, soulignant la spécificité des problématiques féminines dans le non-lieu qu’est la rue. C’est la raison d’être du Local des Femmes : un refuge qui met à l’abri à la fois des regards, des violences et des intempéries. 

Un lieu atypique

Créé en 2004, Le Local des femmes est une émanation de l’Association Femmes SDF, instituée à Grenoble en 2000. En France il fait parti des tout premiers accueils de jour spécifiquement réservés aux femmes ; aujourd’hui il y en a entre six et dix sur le territoire national. Quinze à cinquante personnes sont accueillies chaque semaine pour un bilan 2018 de 487 personnes accueillies (dont 171 enfants). Le projet a un fonctionnement qui lui est propre, différent notamment des accueils des très grandes villes, comme nous l’explique Alexia Choquet, l’une des encadrantes, « car on ne peut pas faire la même chose avec 20 femmes qu’avec 100 comme c’est le cas dans les accueils parisiens ».

Le Local des Femmes n’est pas un « service social » à proprement parler. Il n’y a pas d’accompagnement social au sens propre, plutôt une réorientation vers les services spécifiques.  L’accompagnement se fait plutôt par des « coups de mains » sur les démarches que les femmes peuvent faire seules. L’horizontalité ainsi créée entre les travailleuses sociales et les accueillies permet  de construire un cadre rassurant.
Ce lieu se veut donc complémentaire d’autres structures. Les femmes accueillies peuvent y prendre une douche, un café, ou juste se reposer. La spécificité du Local réside dans le fait que ce n’est pas seulement un lieu de services (manger dans un restaurant social comme Nicodème, prendre une douche ou laver son linge comme à Point d’eau), mais un lieu de participation. Alexia Choquet nous explique : « les services sont ici prétextes à un projet plus large, le but étant de se sentir bien ici pour repartir ailleurs, de « faire société ». Il n’y a par exemple pas un « service de repas » mais une fois par semaine, les femmes se réunissent pour faire à manger ensemble et partager un repas ».

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Un lieu pour « faire société »

Les femmes qui fréquentent Le Local ne vivent pas forcément à la rue, mais subissent d’autres précarités, qu’elles soient matérielles, administratives ou médicales. Ces femmes sont généralement peu visibles dans l’espace public. L’objet d’un tel lieu est donc également de donner la possibilité aux femmes accueillies de s’exprimer et de s’insérer dans des actions collectives. Des ateliers donc régulièrement organisés où elles sont encouragées à échanger.

Ainsi, une infirmère vient animer des échanges sur le thème de la santé. Une intervenante du réseau des bibliothèques de Grenoble rend visite au lieu deux fois par mois pour apporter des livres ou proposer des sorties culturelles. Une fois par mois encore se tient la « réunion entre nous », où les femmes ont la parole sur des projets, des idées, des coups de gueule. Les jeudis après-midis sont quant à eux consacrés aux projets, afin de dynamiser le collectif. La création du lieu est d’ailleurs le résultat de discussions avec les femmes en galère afin de répondre à leurs besoins. 

De manière globale, Le Local des femmes se veut un lieu de bien-être, où il est possible de prendre soin de soi. Le fait qu’il ne soit réservé qu’aux femmes – et quand elles ne peuvent pas faire autrement, à leurs enfants – préserve une certaine intimité, propice à un travail sur l’image de soi. L’équipe invite donc une ostéopathe et une esthéticienne à intervenir, dans cette optique que « prendre soin de soi » est un moyen de reprendre confiance en soi. 

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« Rendre visibles les femmes en errance et en galère »

L’objectif du lieu comme de cette journée portes-ouvertes du 8 mars était de faire connaître Le Local des femmes et de sensibiliser le grand public au sort des femmes sans domicile fixe. Un grand nombre de bénéficiaires potentielles ne connaissent en effet pas l’existence du local, par manque d’information ou volonté d’isolement. Pour se faire connaître, l’association s’appuie sur le réseau: l’équipe organise quatre permanences par semaine dans les accueils de jour partenaires : Mosaïque – Secours Catholique, Le Fournil, Point d’eau, Accueil Vieux Temple.  Dans la même optique, une maraude de jour se tient les jeudis après-midis. Deux membres de l’équipe ou une salariée accompagnée d’une femme accueillie y participent – trois femmes sont ainsi travailleuses « pair ». L’association Femmes SDF intervient également dans des lycées ou à l’IFTS (Institut de Formation de Travailleurs Sociaux) afin de mener des actions de sensibilisation.

Ces femmes démontrent une réelle volonté de ne plus être stigmatisées, ignorées. C’est pour cela qu’elles ont tenu à être co-organisatrices de cette journée où elles ouvrent leur lieu – même aux messieurs. Elles sont allées glaner des fleurs auprès de commerçants voisins et ont choisi la couleur des nappes. Elles se sont réparti les tâches le jour J, certaines pour faire visiter le lieu, d’autres pour servir les mêts qu’elles ont pris plaisir à préparer, dans un esprit de partage. On pouvait lire aux murs leurs mots, dans lesquels elles nous ont livré leur vision du Local, de la galère et leurs rêves. Ces mots ont été chanté par les femmes accueillies accompagnées des professionnelles du loca, pour écouter cela c’est par ici.

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 Certes, Le Local des Femmes est un lieu fréquenté par des femmes qui ont un vécu difficile, mais c’est avant tout un lieu de vie, où les émotions ont leur place, qu’il s’agisse de joie, peine ou colère. « On se marre ici !!»  C’est ce qui a le plus marqué Louis-Julien Petit quand il est venu visiter le lieu : le réalisateur du film Les Invisibles s’est donc largement inspiré de ce constat pour insuffler le vent d’enthousiasme qui porte son film, que Le Bon Plan vous recommande.

 

Pour aller plus loin, un magnifique portrait sonore du Local des Femmes avait déjà vu le jour en 2015, réalisé par l’équipe « Les Belles Oreilles ». À écouter : Une fenêtre sur la rue, webdoc, 58’39 »