La fraude aux prestations sociales est souvent considérée comme une part importante des dépenses sociales et justifie de grands moyens mis en œuvre pour débusquer les fraudeurs… Qu’en est-il réellement ?
Quel est le budget de la CAF et qui en bénéficie ?
Les allocataires de la Caisse d’Allocations Familiales sont souvent la cible des discours politiques. Quand ces bénéficiaires ne sont pas ouvertement perçus comme des « assistés », c’est le budget de l’État pour les prestations sociales qui est présenté comme « le cancer de la société ». Mais qui sont réellement les allocataires de la CAF ?
En 2017, 12,7 millions de foyers bénéficiaient de prestations de la CAF pour un budget total de 72,4 milliards d’euros (hors Mutualité sociale agricole et Mayotte) d’après la Direction des statistiques, des études et de la recherche de la CNAF (Caisse Nationale d’Allocations Familiales).
Seulement 1,8 millions de ces allocataires touchent le RSA (DREES).
La première dépense de la CNAF concerne les prestations familiales : 30,2 milliards d’euros (11,5 milliards pour la petite enfance, 18,7 milliards pour les prestations enfance et jeunesse).
17,5 milliards d’euros sont dédiés aux aides au logement (Apl, Als, Alf), 10,5 milliards sont alloués aux allocataires du RSA, 9,2 milliards aux allocations adultes handicapés (AAH) et 5,1 milliards pour la prime d’activité.
À quel montant s’élève la fraude à la CAF ?
En 2017, les contrôles de la CAF ont pu déceler 802 millions d’euros d’indus, dont 511 millions ne relèvent pas de la « fraude » mais sont attribués à des erreurs involontaires dans les déclarations qui ont amené des trop-perçus. Ces erreurs sont fréquentes, parfois difficiles à éviter, et se régulent à l’amiable entre les CAF et leurs allocataires. La Gazette des communes a démontré que, du fait que les déclarations à la CAF se font de manière trimestrielle, « certains parcours de vie peuvent donc être difficiles à gérer. « Une allocataire a connu en 2017 trois situations familiales différentes, trois logements et cinq statuts professionnels différents (chômage, emploi formation…) », énumère ainsi William de Zorzi, directeur de la CAF de la Somme ».
Le montant de la fraude caractérisée à la CAF – toute prestation confondue – s’élève donc à 291 millions d’euros en 2017, (La Gazette des communes, Le Monde) 304,6 millions en 2018 (Le Figaro, BFMTV).
Cette légère hausse s’explique par l’amélioration des moyens de contrôles. Comme le décrit Europe 1, « La CAF est de mieux en mieux outillée pour repérer les erreurs. Elle croise ses fichiers avec ceux de l’administration fiscale ou de Pôle Emploi. Elle a aussi des équipes de contrôle qui identifient des incohérences dans les déclarations ».
Sur les 12,7 millions d’allocataires, ce sont « 32 000 fraudeurs » (0,25 % de l’ensemble) « impliqués dans près de 45 000 dossiers volontairement falsifiés » (BFMTV).
Ces versements indus justifient 35 millions de contrôles par an, soit plus de la moitié des allocataires.
À titre comparatif, dans son rapport du 12 septembre 2018, le syndicat Solidaires Finances Publiques estime que « l’évitement illégal de l’impôt procédant de la fraude et de l’évasion fiscales est au moins égal à 80 milliards d’euros, voire se situerait entre 80 et 100 milliards d’euros ».
Qu’en est-il du non-recours ?
Le non-recours concerne les personnes qui ont droit à des prestations sociales mais qui n’en font pas la demande, soit par choix, soit par manque de connaissance, soit à cause de démarches trop compliquées.
La dernière étude de l’Odenore (Observatoire des non-recours aux droits et services), datant de 2011, dénombrait 36 % de personnes éligibles au RSA qui n’en faisaient pas la demande. Cette même année, le Comité national d’évaluation du RSA estimait ainsi « à 432 millions d’euros le manque à distribuer induit par le non-recours au RSA pour le mois de décembre 2010 » soit « 5,2 milliards d’euros pour l’année entière ».
Selon le journal Le Monde, le non-recours pour le RSA s’élèverait en 2016 à 3,6 milliards d’euros non distribués.
L’idée d’un versement social unique et automatique proposé par Emmanuel Macron avec le Revenu Universel d’Activité vise à résoudre ce problème du non-recours puisque les personnes bénéficiaires n’auront plus besoin de faire des démarches pour demander l’allocation. Mais comme le souligne le journal Libération : « pour un gouvernement à la recherche d’économies, moins de non-recours, c’est plus de bénéficiaires et donc plus d’argent à reverser. Sauf si cette mesure s’accompagne d’une refonte du périmètre des bénéficiaires. Et, là, il y aura des perdants ».
Autre idée reçue :
Idée reçue #1 : Non les immigrants ne touchent pas plus d’alloc’ que les Français