L’un des thèmes de la prochaine élection présidentielle sera la suppression ou non de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Entre nécessité et impopularité, retour sur la carrière de cet impôt qui fait couler beaucoup d’encre. Instauré en 1982 sous l’appellation d’«Impôt sur les grandes fortunes», cette dîme avait des vertus éthiques évidentes.
Mais dès son entrée en vigueur, ce qui a semblé être du bon sens aux socialistes au pouvoir n’a pas reçu un accueil enthousiaste de la part de l’opposition.
Lors de la cohabitation de 1986, Jacques Chirac a supprimé l’IGF. Selon ses dires, cet impôt était injuste car payé par une petite partie de la population seulement. La réélection de François Mitterrand en 1988 a permis de remettre au goût du jour l’IGF sous le nom d’ISF. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts…
Pour preuve de l’ambiguïté de cet impôt, le cas de propriétaires terriens de l’Ile de Ré qui se sont retrouvés sous le feu des projecteurs. En 2002, le passage à l’euro a renforcé la flambée de l’immobilier. Trois ans plus tard, ces gens modestes, agriculteurs pour la plupart, sont devenus imposables au titre de la grande fortune du fait de leur patrimoine terrien : ils ont été obligés de vendre des parcelles transmises de génération en génération. Dès lors, le pouvoir a rehaussé le plafond d’imposition pour atteindre en 2010 la coquette somme de 1 300 000 € déduction faite de l’abattement sur la résidence principale. Cela concernait encore 562 000 foyers fiscaux l’an dernier. Certains ont cherché à échapper à l’impôt de manière illégale et ont bien sûr connu les foudres du redressement.
En revanche, par de subtils mécanismes financiers, les niches fiscales, des personnes qui roulent sur l’or ont pu éviter de payer cet impôt. Pendant ces années, le métier de conseiller en fiscalité a connu un bel essor. Le gouvernement s’est donc attaqué à cette question, en quelque sorte, c’est le jeu du chat et de la souris auquel participent le percepteur et ses contribuables.
L’ISF est devenu une exception à la française : la France est le dernier bastion à en être doté au sein de l’Union Européenne. Par ailleurs, cet impôt s’avère absurde car sa gestion coûte plus que ce qu’il rapporte. Les autres pays ont préféré le remplacer par une taxe supplémentaire sur les revenus du capital, bien plus rentable. Cette idée est dans les cartons mais défaire ce qui a été entrepris prend du temps. La suppression du bouclier fiscal dont la durée de vie a été extrêmement courte est la première étape de ce processus. D’autres pistes sont à l’étude pour faire contribuer d’avantage les plus riches à l’effort de solidarité en ces temps de crise de la dette. Encore faudrait-il que ces futures mesures soient bien vues, sinon l’évasion fiscale connaîtrait une belle relance. Mais comme le dit si bien Sacha Guitry : «Être riche ce n’est pas avoir de l’argent, c’est en dépenser»… La relance de l’économie par la consommation ? La réponse après l’échéance électorale de 2012.