Jean-Pascal Fournier est une figure du milieu artistique grenoblois. Illustrateur de talent, il jouit d’une renommée internationale. Le Bon Plan l’a rencontré. Il évoque ses conceptions artistiques et précise sa vision des choses.
Jean-Pascal Fournier est un nom bien connu des amateurs de « metal » : illustrateur depuis plus de quinze ans pour des groupes « metal », il s’est fait progressivement une renommée, marquée, en même temps que propulsée, par des collaborations avec de grands noms de la scène « metal » : il signe par exemple (sans doute sa pochette la plus celèbre) l’illustration du « At the heart of the winter » d’Immortal (groupe de « Black metal », forme extrême de hard-rock), en 1999, ou encore il collabore avec les allemands d’Edguy (groupe de Power metal, autre forme évoluée de hard-rock), avec l’album « Mandrake » en 2001 ou même l’album « Savage poetry » en 2000. Toujours dans le sillage de sa collaboration avec Edguy il faut aussi signaler sa collaboration au projet Avantasia (side-project de Tobias Sammet), avec les deux pochettes de « The metal opera part. I & II ». Jean-Pascal Fournier jouit ainsi d’une renommée aussi bien nationale qu’internationale, puisqu’il est aussi très sollicité sur notre territoire avec des pochettes ou des logos pour des groupes aussi variés que Blasphème (dont il a illustré l’album de la reformation en 2010), Dream Child, Nightmare, Lonewolf, ou encore Manigance. JP Fournier est ainsi devenu une référence qui honore toujours ceux qui ont recours à ses services, et, dans les chroniques de disques, sa collaboration est toujours mentionnée comme un plus.
Un style personnel
L’art de Jean-Pascal Fournier peut être désigné comme orienté vers « l’héroic fantasy » : il met souvent en scène des guerriers, des êtres mi-hommes mi-bêtes, voire monstrueux (Scornforger), ou des figures mythologiques pouvant évoquer les dragons, ou encore des sages-magiciens, un peu dans le genre de « Saroumane » du « Seigneur des anneaux ». La plupart du temps Jean-Pascal Fournier fonctionne avec un schéma « personnage + décor mythique », mais il lui arrive aussi de peindre simplement un paysage (voir sa pochette de « Frore Meadow » de Yearning par exemple), lequel rend à lui seul la contemplation de l’oeuvre fascinante. Ce qui est assez génial c’est l’ambiance qu’arrive à décrire JP Fournier dans ses illustrations. Il utilise la symbolique de la luminosité du Ciel pour évoquer des ambiances quasiment mystiques, tantot le fond est ténébreux, tantot la luminosité perce pour se marier avec des éléments terrestres, et former le monde caractéristique de ses peintures. A tel point que l’on peut reconnaître une pochette de JP Fournier, sans connaître préalablement le nom de l’auteur, avec une marge d’erreur fortement réduite.
Le Bon Plan s’est proposé de rencontrer cet artiste grenoblois, dont le talent mérite d’être connu au -delà du public metal, pour en savoir un peu plus sur l’artiste et ses conceptions artistiques. Au départ JP Fournier poursuit des études artistiques qui le conduisent à l’illustration. « C’est après un long parcours, des études consacrées à ça, que j’ai découvert l’illustration un peu avant 1995. J’ai intégré une école à Lyon, spécialisée dans cette discipline, d’où je suis sorti diplômé en illustration et bandes-dessinées, et plus généralement j’ai découvert l’illustration avec les grands artistes du genre comme Franck Frazetta, et puis j’ai toujours été intéressé par la peinture académique et traditionnelle en amont. ». JP Fournier explique son attrait pour l’illustration : « C’est la meilleure synthèse qui soit entre entre l’art de la bande-dessinée et la peinture, dans le sens où ça concrètise ces deux disciplines en une seule, il y a la possibilité d’être très figuratif si on veut, d’être à la fois plus libre, c’est cette composante qui me fait vraiment apprécier l’illustration en tant qu’art à part entière. ». Pourtant, en choisissant l’illustration, JP Fournier ne choisit pas vraiment la voie royale dans le monde de l’art. Il explique : « C’est marginal l’illustration, par rapport à l’art contemporain ou l’art académique, c’est le parent pauvre de l’art on peut dire, c’est paradoxal parce qu’en même temps c’est très populaire, on le voit avec les jeux vidéos, les films, qui font énormément appel à l’illustration, qui touchent à un public très large, et en même temps il n’y a pas de considération véritablement, ni pour les artistes illustrateurs, ni pour l’illustration, qui en tant que telle n’est pas appréciée à sa juste valeur par le grand public, alors que l’image est absolument nécessaire à tous les niveaux à notre époque actuelle. ».
Un illustrateur spécialisé dans le metal
L’originalité de Jean-Pascal Fournier, cependant, ne réside pas seulement dans le talent qui lui est propre et dans son style facilement reconnaissable, mais aussi dans le fait qu’il est spécialisé dans l’illustration de pochettes de disques pour des groupes « metal » (même si il a déjà produit un nombre important d’illustrations pour des couvertures de livres). Etant lui-même un véritable connaisseur du style, pour JP Fournier, metal et illustration son intimement liés. « Pour moi c’est indissociable, pour ce qui est du rapport entre l’illustration et le metal, c’est vrai qu’il y a énormément de points communs, ce n’est pas un hasard si certains musiciens sont un peu dessinateurs à leurs heures et inversement, chaque artiste peut se révéler dans d’autres disciplines artistiques, c’est un peu le cas pour moi avec la guitare. Il y a énormément de points commun dans le sens où c’est le meilleur vecteur pour exprimer des émotions, un vécu, une histoire, en tout cas pour moi la musique est absolument essentielle quand je crée une œuvre, je ne peut pas me passer d’un fond sonore, comme appui, c’est là où je vais trouver l’inspiration. ». Le metal nourrit l’artiste, mais l’artiste nourrit aussi le metal. « Le metal c’est effectivement une musique avec une identité visuelle très affirmée depuis les débuts, on peut penser bien sur à Iron Maiden, toutes ces grandes figures de proue qui utilisent des mascottes très persuasives et très efficaces. Le metal ne peut pas se passer d’imagerie visuelle, ça lui colle à la peau. Après, c’est vrai que de ce fait peut survenir une uniformisation au niveau des thèmes, au niveau des sujets traités, c’est un peu le piège, c’est à dire que l’on a vite fait de tomber dans le cliché, et moi j’ai à cœur en tant qu’illustrateur de toujours rechercher de nouveaux thèmes, de nouvelles idées, des cadrages, des perspectives différentes pour chacun de mes travaux, pour essayer de contrer cette fatalité de la standardisation des visuels metal, j’essaie toujours de me surpasser en essayant de toucher des sujets que je n’ai pas l’habitude de traiter, en essayant toujours de chercher mieux. ».
Du coup non seulement JP Fournier conjugue ses thèmes avec une certaine variété de thèmes et d’ambiances, mais il pense encore évoluer au niveau de l’esprit de ses illustrations. « J’ai à cœur de proposer une démarche positive pour tous mes travaux futurs et à venir, dans le sens où je trouve que le contexte actuel est trop pressant, malsain, pour rajouter une surenchère de violence et de haine, même sous forme d’images, donc j’ai à cœur, pour les semaines, les mois et les années à venir de proposer quelque chose qui s’inscrit dans du positif, à tous les niveaux, humains, créatifs, pour contrebalancer cette constante qui est là, présente dans notre société, qui vise à instaurer un climat de haine. Bien sur je produirais encore des images violentes ou guerrières, mais ce sera plus pour dénoncer cet état de fait que pour cautionner tout ça. Donc je tiens vraiment à m’inscrire dans cette démarche positiviste, c’est pour ça que je vais un peu séléctionner les commandes qui arriveront, pas forcément tout accepter, comme c’était le cas auparavant, je vais opérer une séléction suivant que le projet rentre dans ces critères. ».
On peut donc saluer l’authenticité de cet artiste grenoblois, qui opère dans et avec la passion, même si ça n’est pas évident d’en vivre. « Je pense que même un illustrateur établi aura du mal financièrement à joindre les deux bouts, il faut vraiment qu’il ait un volume de travail très conséquent, ce qui n’est pas toujours possible parce qu’il y a des périodes où tu va avoir une activité très intense, d’autres périodes plus calmes, il faut toujours jongler avec cette composante du travail alternatif. Moi, personnellement, j’ai renoncé, depuis quelques années, à chercher à gagner absolument ma vie avec ça. C’est pour ça que j’ai pris une activité subalterne. ». Beau témoignage d’artiste, quand on comprend que ce n’est pas le gain mais la motivation spirituelle qui permet à JP Fournier de se réaliser dans l’art.
On suivra avec intérêt l’évolution de ses œuvres. Si voulez découvrir un éventail de ses peintures, rendez-vous sur son site : www.jp-fournier.com, où vous pourrez aussi, à la page « livre d’or », laisser un petit mot à l’artiste.