Robert Castel, mort le 12 mars dernier à l’âge de 79 ans, était un sociologue émérite. Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) depuis 1980, il a écrit de nombreux livres sur des questions sociales qui sont toujours d’actualité.
Il s’est illustré notamment par son étude sur les jeunes de banlieues dans « La Discrimination négative » en 2007, livre publié deux ans après les émeutes qui ont débuté à Clichy-sous-Bois. Il explique l’état d’insécurité sociale dans laquelle se trouvent ces jeunes. Ils portent les étiquettes d’inutilité sociale et de dangerosité et cumulent les handicaps sociaux (problèmes scolaires, professionnels, de logement, etc.). Il insiste aussi sur le fait que le problème n’est pas ethnique mais avant tout social.
L’autre fait de société abordé par Robert Castel est la pauvreté. Le sentiment d’échec voire d’infâmie que le chômeur ou l’inactif peut ressentir ne vient pas d’une valorisation récente du travail mais d’une stigmatisation ancienne du pauvre comme vagabond (idée née au XIIIème siècle en Angleterre). Historiquement, il y a toujours eu une volonté de contrôle et d’assujetissement des pauvres, quitte même à leur faire faire un travail totalement inutile (dépaver des rues pour les repaver à l’identique par exemple). La pauvreté est envisagée comme un danger social car c’est à la fois une remise en question des valeurs d’un Etat et celle de conditions de travail.
Enfin, le sociologue a beaucoup travaillé sur les « processus d’effritement de la condition salariale », dégradation de l’emploi qui s’est opérée au milieu des années 1970 avec le passage d’un capitalisme industriel à un capitalisme moins régulé. Robert Castel parle de « précariat ». Avant, il y avait la précarité avec l’idée de difficultés passagères. Aujourd’hui, il y aurait le « précariat », des situations de précarité qui dure, des personnes qui s’installent en permanence dans des situations d’emploi bien plus bien défavorables que celles d’emploi classique. Il défend de ce fait l’importance des prestations sociales : » Les projets de modulation des prestations sociales (assurances, retraite, etc.) selon la vulnérabilité des allocataires déchirent l’idée acquise à la fin du siècle dernier par l’assurance obligatoire d’une propriété sociale. Ils renouent avec la vieille catégorie de «l’indignité sociale» du pauvre d’Ancien Régime. […] Seule la puissance publique, garante d’un certain intérêt général, peut opérer un minimum de redistribution et de protection. Ces protections sont nécessaires pour faire une société. »
Robert Castel n’appartenait à aucune école, il ne prônait aucune idéologie. Ce sociologue a simplement permis une meilleure compréhension de la société contemporaine. L’analyse de son oeuvre est essentielle car elle peut éviter toute régression à un état défavorable aux citoyens et établir les fondements d’avancées sociales réelles.