Le 11 janvier 2013 a été signé un accord interprofessionnel modifiant certains fondements du code du travail. Cet accord a mené à un projet de loi adopté le 6 mars dernier en Conseil des ministres. C’est maintenant au Parlement de l’examiner. Cet accord pour l’emploi est fragilisé par la non-signature des syndicats CGT et FO, syndicats à l’origine des manifestations du mardi 5 mars. Certaines mesures de cet accord pourraient être mises en place dès mai prochain. Mais que contient cet accord pour l’emploi ?
Davantage de droits et de protection pour les salariés
Une partie du contenu de cet accord donne de nouveaux droits aux salariés. Premièrement, toutes les entreprises devront proposer une mutuelle et prendre la moitié du coût en charge. Deuxièmement, les salariés auront des droits rechargeables à l’assurance chômage, c’est-à-dire qu’un chômeur ne perd plus ses droits lors de la reprise d’une activité salariale temporaire, il pourra les cumuler avec ses nouveaux droits lors de la fin de son contrat. Troisièmement, des mesures sont envisagées pour limiter les contrats précaires : officiellement il ne serait plus possible de signer un contrat de travail de moins de 24 heures par semaine (hormis pour les étudiants, dans certains domaines d’activité et dans le cas où il s’agirait d’une volonté de la part du salarié) et une taxation des contrats courts et CDD serait mise en place afin d’inciter les employeurs aux CDI. Enfin, d’autres mesures sont envisagées comme « un compte personnel de formation » ou des formes de consultation par les salariés de la stratégie de l’entreprise.
Les points de débat
Dans le contexte de crise économique actuel, l’accord pour l’emploi a pour but essentiel d’accorder plus de souplesse aux entreprises. Cet accord prévoit notamment la simplification des procédures de licenciement collectif avec l’idée d’accord majoritaire et, le délai pour les contestations salariales (non paiment d’heures supplémentaires, licenciements…) devrait passer de 5 à 2 ans. Mais ce sont surtout deux points de cet accord qui font débat : la mesure de « maintien dans l’emploi » et celle de « mobilité interne ».
L’accord de maintien dans l’emploi s’inspire des accords compétitivité-emploi prônés par Nicolas Sarkozy : il s’agit de permettre aux entreprises de plus facilement moduler le temps de travail et les salaires en cas de conjoncture difficile. Il serait donc possible pour un employeur de diminuer les salaires et/ou d’augmenter le temps de travail pendant une durée maximale de deux ans et sous condition d’un accord avec les syndicats (50% du personnel représenté doit être d’accord). Tout salarié qui refuserait cet accord pourrait être plus facilement licencié qu’auparavant, sans autre obligation pour l’employeur que de prendre des « mesures d’accompagnement » pour ce salarié (le plan social ne sera plus indispensable). Quant à la mesure de mobilité interne, elle permet à l’employeur en cas de graves difficultés financières d’imposer aux salariés un changement de poste ou de lieu de travail (a priori sans limite de distance par rapport au domicile) sous peine de licenciement pour raison économique.
Enfin, la taxation des contrats courts évoquée plus haut fait elle aussi débat car elle ne concerne pas l’intérim. Cette mesure déplacerait donc la précarité de l’emploi : moins de CDD mais plus d’intérim. Cette mesure pourrait également avoir l’effet inverse de celui voulu : le chômage pourrait augmenter. En effet, les patrons ne feraient plus appel à des salariés en CDD devenus trop coûteux mais choisiraient d’augmenter le temps de travail des salariés en place.
D’un côté, il y a les « pour » comme Michel Sapin, ministre du Travail, qui déclare que cet accord donne « les instruments pour s’adapter sans licencier », et de l’autre les « contre » comme la CGT qui clame son refus « de la précarité, de la flexibilité, du chômage et des bas salaires ». L’accord pour l’emploi invite donc à s’interroger sur ce qui est nommé « philosophie de la flexisécurité » : la flexibilité engendre-t-elle la sécurité ?