L’Âge d’or : clics et déclics

Dans une société où le multimédia occupe une place de plus en plus importante, comment faire en sorte que les personnes âgées demeurent en phase avec la réalité qui les entoure ? La fracture numérique ne concerne pas que les territoires : elle touche également, et surtout, les individus. Le courriel a remplacé le courrier, le téléphone fixe semble appelé à devenir un accessoire obsolète, mais beaucoup n’ont pas eu l’opportunité de suivre cette évolution ou d’en comprendre la logique.

C’est à ce manque, parmi d’autres, que l’association L’Âge d’or veut répondre. Née en 2004, elle propose au sein de ses locaux comme au sein de maisons de retraite ou de maisons des habitants (MDH) des initiations à l’informatique pour personnes du troisième âge désireuse d’approcher cet outil qui ne fait pas partie de leur quotidien.

Un homme AZERTY en vaut deux

Nordinne Boukhalfa, directeur de L’Âge d’or, nous explique s’adresser à un public qui bien souvent ne connaît pas du tout les ordinateurs, et a fortiori l’Internet. « Le fait de se projeter sur Internet, sur un moteur de recherche, ou que ce que vous avez sur votre ordinateur pourra être disponible sur un autre, c’est difficile. Cela prend du temps, non pas pour le comprendre, mais pour l’accepter. »

« On peut associer une boîte mail à une boîte aux lettres, mais pour les personnes âgées, la boîte aux lettres existe physiquement, dans un endroit bien précis. Que l’on puisse l’ouvrir n’importe où, c’est vraiment un état d’esprit… Ne serait-ce qu’apprendre à ouvrir une boîte mail, cliquer et envoyer une photo, cela nécessite quatre mois, à fréquence de deux heures par semaine. »

Si l’un des objectifs de L’Âge d’or est de permettre aux personnes âgées d’accéder à une certaine autonomie vis-à-vis de leur ordinateur ou, au moins, de l’Internet, elle se donne également pour mission de conseiller celles ou ceux qui sont passés par leurs services : « Les personnes qui ont pu bénéficier d’une formation de quatre mois peuvent prendre rendez-vous et viennent avec leurs questions. Ce n’est pas nous qui imposons un cours, ce sont elles qui viennent avec leurs difficultés : quel fournisseur d’accès à Internet me conseillez-vous ? Qu’est-ce que le Wi-Fi ? Je veux acheter un ordinateur, lequel choisir ? Est-ce qu’il me faut un fixe ou un portable ? Comment mettre à jour mon antivirus ? etc. »

In fine, le but de cette formation est de permettre aux personnes âgées de conserver, ou de recréer, un lien social et familial, en particulier pour celles dont une partie de la famille est à l’étranger. « Une dame était venue me voir en urgence parce qu’elle avait envie de voir sa fille. Nous sommes entrés en contact avec elle et nous avons pu organiser une rencontre sur Skype. Dans ce genre de cas, on se rend compte que l’on a réellement servi à quelque chose. »

Du virtuel au réel20131022 agedor2

Cependant, le lien ne se crée pas qu’avec les personnes que l’on est en mesure de contacter via Internet. En organisant des groupes de travail, sur la plupart des secteurs de la ville, l’association permet également aux personnes d’apprendre et de parler du numérique ensemble, mais aussi et surtout de se rencontrer et de se connaître. Nordinne Boukhalfa ne cache pas sa volonté de faire se mêler le plus possible les classes sociales autant que les origines ethniques.

« On s’est demandé un jour pourquoi, le matin, on n’a que des Frédéric et des Stéphane et que le soir, on n’a que des Rachid et des Kader. Le but de notre association, ce n’est pas de séparer, mais de mélanger. On a donc fait une tentative avant dans ce sens et cela s’est très bien passé ! »

Ainsi, à partir d’un objectif tendant à permettre aux personnes d’accéder à un espace spécifiquement virtuel, peuvent se créer des liens au sein du monde réel. « On en a même mariés deux ! » s’amuse le directeur, non sans une pointe de fierté.

Des rencontres d’autant plus nécessaires que l’isolement est en majorité la raison première pour laquelle des personnes âgées vont faire appel à L’Âge d’or. D’autres aspects pratiques de l’Internet apparaissent également avec le temps : comment, par exemple, faire ses courses en ligne lorsque les conditions climatiques ne permettent pas aux personnes de se déplacer à l’extérieur en toute sécurité.

Nordine Boukhalfa insiste sur le fait qu’il n’est pas question d’inciter les gens à rester enfermés chez eux, mais souligne néanmoins que l’Internet constitue une aide non négligeable. Et peut même s’avérer bénéfique pour un budget, tant il est vrai que les courses en ligne, pratiquées à tête reposée, permettent de repérer avec clarté les produits les moins chers ou les plus sains, et s’avèrent un excellent remède contre les achats compulsifs.

Investissement(s)

Entre conseils (techniques ou matériels), apprentissage ou création de lien social, l’utilité d’une association comme L’Âge d’or n’a pas échappé à la municipalité de Grenoble, partenaire privilégiée en ce qui concerne son financement. Le directeur tient à souligner l’investissement – dans tous les sens du terme – d’Olivier Noblecourt : « On a eu une vraie écoute de sa part. Il a pris le temps de savoir ce que l’on faisait, le pourquoi et le comment. Et quand il vous dit qu’il est avec vous, il l’est vraiment ». Ainsi, le chargé de l’action sociale a multiplié par cinq la subvention allouée par la municipalité, passant de 5000 à 25000 euros !

L’État et le Conseil général sont également des partenaires de L’Âge d’or, mais une grande partie des ressources de l’association (environ un tiers) provient également des cotisations de ses adhérents. A noter que la structure emploie des contrats aidés ainsi que des emplois d’avenir, et ne compte en réalité qu’un seul salarié permanent, espérant pouvoir en salarier un deuxième à moyen terme, face au nombre croissant de secteurs qu’elle investit et une certaine diversification de ses activités. Ainsi, L’Âge d’or dirige également ses services vers les personnes handicapées, dont les besoins en terme d’apprentissage comme d’accessibilité peuvent s’avérer criants.

Enfin, ainsi que le précise son site Internet et comme Nordinne Boukhalfa prendra soin de nous le rappeler, l’association est toujours en recherche de bénévoles désirant participer à ce projet ambitieux et nécessaire qu’est d’aider les personnes les plus isolées à ne plus se sentir étrangères à un monde qui, même s’il a pu changer de visage, ne doit jamais cesser d’être également le leur.

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Association L’Âge d’or

53 rue Abbé Grégoire, 38000 GRENOBLE
04 76 09 54 86
http://www.cyberdeclic.org/