Ce n’est pas le déluge mais il pleut tout de même sur Fontaine tandis que nous nous rendons à l’Arche aux jouets, l’un des quarante-cinq chantiers d’insertion de la région iséroise, spécialisé dans le travail du bois et la réalisation de jouets ou d’objets ludiques.
Il y en a pour tous les goûts et pour tous les âges. Depuis les voitures, camions ou fusées, en passant par les jouets à roulettes, les puzzles simples ou à étages, les jeux de plateaux plus sophistiqués, et jusqu’aux jeux d’adresse s’adressant aux plus grands et aux plus habiles.
Si les jouets les plus traditionnels font partie de l’identité de l’Arche, les réalisations plus récentes se dirigent également beaucoup vers ces jeux plus complexes, caroms ou billards savoyards par exemple, très exigeants en matière de finitions ou de qualité du bois. Le succès des ventes salue cette démarche. « Il nous faut très régulièrement renouveler le stock », nous confie Guillaume Chatel, l’un des encadrants de la structure.
Les clients ? « Des particuliers, qui nous connaissent et viennent dans nos locaux ou nous rencontrent lors de diverses manifestations, mais aussi des personnes qui travaillent dans des MJC ou des ludothèques, ainsi que des comités d’entreprise comme ceux par exemple de STMicro, HP ou les Laboratoires Roche. »
Des jouets et des hommes
Guillaume insiste également sur une autre activité que la structure souhaite développer, celle de l’ameublement-agencement. « On a séparé l’appellation des deux activités, précise Guillaume. D’un côté l’Arche aux jouets qui rassemble l’activité de fabrication des jeux ou jouets, de l’autre Actibois qui s’occupe des chantiers et des commandes d’ameublement-agencement, autour de présentoirs, de plans de travail, de bureaux, etc. »
« Participer à ce genre de chantiers, c’est l’occasion pour certains de nos salariés d’évoluer en compétence. Ce sont des taches plus complexes, il y a des plans à préparer, une organisation à avoir, autant de choses très intéressantes pour ceux qui veulent poursuivre dans ce domaine. »
Il ne faut en effet pas oublie que l’Arche aux jouets est un chantier d’insertion, dépendant de l’AMAFI (Association Multi-services pour l’Aide aux Familles et à l’Insertion). « l’Arche compte dix-neuf salariés en contrat aidé, à qui nous proposons une activité professionnelle et, en parallèle, de travailler avec eux leur projet professionnel. Nous recrutons uniquement en collaboration avec les référents emploi, qui nous envoient les candidatures et les objectifs de l’accompagnement. » indique Guillaume Chatel.
« Cet accompagnement se fait à travers des suivis au quotidien, des entretiens individuels, des bilans que l’on fixe tous les mois ou tous les deux mois avec les référents emplois. Mais tous les freins ne sont pas que professionnels : ils peuvent toucher aussi la vie sociale, l’exclusion, et bien d’autres choses encore. »
« Nous ne sommes pas un atelier de formation, tient à préciser Guillaume. Nous sommes un lieu d’apprentissage, nous proposons une approche du travail du bois, mais nous ne préparons pas nos salariés au titre de CAP menuiserie-ébénisterie, par exemple. Nous sommes, plus simplement, un lieu de production dans lequel il va falloir respecter des délais, des exigences de temps ou de qualité. »
« Nous pouvons accueillir des personnes qui sont plutôt manuelles et d’autres pas du tout. Des personnes dont le projet professionnel n’a rien à voir avec le travail du bois. Ce qui compte avant tout par cette activité, en plus de l’accompagnement, c’est le retour à l’emploi, à des habitudes de vie ou des rythmes professionnels ! »
Promenons-nous dans le bois
Bien sûr, le travail du bois n’a rien d’anodin et présente son lot de pénibilité, physique mais surtout sonore. Les machines tournent à longueur de journées et n’ont rien de discret, un élément que les candidats doivent prendre en compte avant de s’engager dans la structure, d’où l’importance d’organiser des visites préalables afin que la personne puisse se représenter l’environnement et juger si celui-ci peut ou non lui convenir.
Après les jouets, l’envers du décor, à savoir l’atelier où sont réalisées toutes ces créations. Sans être insoutenable, le bruit qui règne dans ces locaux est en effet impressionnant pour un non-initié. Les machines stridentes hurlent avec régularité, un brouhaha grave règne sans discontinuer à la manière d’un océan houleux et Patricia, encadrante de l’atelier, nous fait faire la visite des lieux.
Le bois utilisé par l’Arche provient en majorité d’Emmaüs. « C’est beaucoup de récupération. Emmaüs nous donne les meubles qu’ils ne peuvent pas vendre, nous trions le bois et retravaillons tout ce qui est réutilisable. Le reste, nous nous chargeons de l’emmener à la déchetterie. » Une solution économique que l’on est loin de soupçonner face à la qualité des produits finis.
Le fait de travailler principalement sur des jouets change-t-il la nature du travail ? « Les jeux ou les jouets, nous dit Patricia, sont fabriqués assez rapidement. Le résultat est rapide et les salariés ont l’occasion d’en fabriquer plusieurs, et aussi de les vendre eux-mêmes dans différentes manifestations. Fabriquer un meuble est beaucoup plus long et complexe et nécessite plusieurs personnes, alors qu’avec un jouet, le salarié prend la création en charge du début à la fin. »
La règle du jeu
En contrat depuis bientôt un an, François apprécie de travailler sur des objets ludiques. « Je trouve ça agréable, je suis très jeu et j’aime vraiment ça. Bien sûr, quand on réalise des petits objets, que l’on en fait quatre ou cinq d’un coup, il y a moins de plaisir, on est surtout dans la production, mais il y a tout de même un plaisir évident à travailler sur des jeux. »
Avant de rejoindre l’Arche, François disposait déjà d’une formation dans le bois, en l’occurrence un CAP menuiserie. Il nous explique ce que son contrat aidé lui a apporté : « cela m’a apporté un bon complément. Le CAP de menuiserie, c’est du gros œuvre, des portes, des fenêtres, et pas des choses minutieuses comme les finitions. »
En salle de finitions, justement, nous faisons la connaissance de Florence et de Roselyne. Florence est à la deuxième semaine de son premier contrat et a déjà réalisé un puzzle. Roselyne, elle, travaille pour l’Arche depuis un an. Contrairement à François, elle n’avait aucune expérience dans le domaine du bois. « Au début, nous dit-elle en riant, j’appréhendais la scie circulaire, j’en faisais des cauchemars, et petit à petit j’ai vaincu ma peur. »
« Pour le CV, ça fait des atouts en plus. » rajoute Roselyne, et Patricia renchérit : « pour des employeurs futurs, le fait d’avoir réussi à approcher un travail de menuisier, cela permet de dire que l’on est ouvert à plein de choses, à plein de possibilités ! »