Pour discuter de l’appel à projet de la mairie concernant les locaux du CREARC (le bureau et le Petit Théâtre, la salle de spectacle attenante) ainsi que des Rencontres du Jeune Théâtre Européen, dont nous parlons dans cet autre article, Romano Garnier, adjoint de direction du CREARC, a accepté de nous recevoir. L’entretien se déroule au Petit Théâtre, tandis que la troupe lituanienne arrivée sur les lieux installe son matériel.
Romano Garnier, qui êtes-vous ?
Je suis un comédien, metteur et scène et adjoint de direction du CREARC, où je travaille depuis 13 ans. Au départ, je suis arrivé au CREARC juste pour rendre service et, progressivement, je me suis formé à la fois en tant que comédien et qu’animateur d’ateliers, puis à la mise en scène. Avec la chance de pouvoir travailler avec des metteurs en scène européens et de multiplier les expériences, en Italie, en Allemagne, en Pologne, etc. A l’origine je ne me destinais pas au théâtre, mais c’est finalement là-dedans que je me sens le plus à l’aise et que je m’exprime le plus.
Vous attendiez-vous à cet appel à projet ?
On sait que c’est un établissement qui appartient à la ville de Grenoble, que nous sommes locataire et non pas propriétaire, mais on ne s’attendait pas à ce que cela arrive à cette période-là, et de cette manière-là. Il faut comprendre que le CREARC ne gère la salle du Petit Théâtre que depuis 2004. C’était un espace qui ne servait plus que de lieu de répétition, et de manière extrèmement ponctuelle. C’est avec nos moyens que nous avons décidé de refaire vivre le lieu et de permettre à des compagnies de revenir jouer ici. Nous avons des subventions pour les actions que nous menons, mais pas pour le lieu. Cela ne nous a pas empêché d’accueillir de plus en plus de compagnies: sur les quatre dernières années, nous avons reçu 65 troupes différentes, avec une moyenne de représentations publiques de 60 à 80 spectacles par an, uniquement les week-end.
Mais cette salle n’est pas subventionnée…
Non, la ligne de subvention concerne les Rencontres du Jeune Théâtre Européen, l’aide aux pratiques artistiques amateurs, et les différents projets culturels que nous conduisons. Depuis ces trois dernières années, la convention du CREARC nous demande en plus de mettre en place des résidences au sein du Petit Théâtre, mais aucune aide financière supplémentaire ne nous a été versée à cet effet. On le fait donc, à raison d’une résidence par trimestre. Et une fois par an, nous accueillons une compagnie membre du réseau du Jeune Théâtre Européen, avec laquelle nous créons un spectacle qui mélange des comédiens de cette compagnie et des comédiens grenoblois. C’est un moyen pour nous de mettre à notre « sauce » cette demande de la mairie, à travers notre spécificité et notre savoir-faire.
Y a t-il une méconnaissance de vos activités de la part de la mairie ?
Je pense qu’il y a un problème de communication. Rien que pour les Rencontres, la jauge des salles dans lesquelles nous travaillons oscille entre 200 et 270 places, et nous avons un important réseau interne, ainsi que 200 intervenants durant les Rencontres qui ont pour vocation d’aller voir les spectacles des autres. Nous n’allons pas du coup inonder la ville de communication pour inciter les gens à aller voir un spectacle, sachant qu’il ne restera que 45 ou 70 places disponibles. On rêverait d’avoir une salle plus grande dans laquelle nous pourrions accueillir plus de spectateurs, mais ce n’est pas le cas. Et c’est un peu un cercle vicieux : on ne communique pas énormément autour de la manifestation pour ne pas décevoir les gens, et après on nous dit qu’on ne sait pas que cela existe. D’un autre côté, quand « les Nouvelles de Grenoble » fait un supplément culturel et oublie de citer le CREARC et Sainte-Marie d’en Bas, on se dit que, s’il y a méconnaissance, alors les torts sont partagés !
L’engagement de Jerôme Safar vous rassure t-il ?
C’est un vrai progrès, parce que c’est la première fois qu’on entend un engagement de manière aussi claire de la part de la ville de Grenoble. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et pour ce qui est des modalités de cet engagement, nous sommes au niveau zéro. Tout est à faire. D’autant que cet appel à projet se fera deux mois avant les élections municipales, ce qui signifie que l’on va installer des gens qui ne seront pas accompagnés de manière efficace par la municipalité qui les a nommé, puisqu’elle aussi est sujette à un renouvellement.
Allez-vous profiter des Rencontres pour communiquer autour de cette question ?
En interne, oui. Mais l’idée n’est pas du tout d’instrumentaliser les Rencontres pour relayer l’information. Ce qui nous tient particulièrement à cœur, c’est de construire les choses dans la discussion et d’une manière intelligente. Nous considérons la ville de Grenoble comme des partenaires grâce auxquels nous arrivons à travailler et avec lesquels nous participons au bien-vivre dans Grenoble, et nous n’avons certainement pas envie d’aller à l’affrontement avec eux.
Pour conclure, les Rencontres se présentent bien ?
C’est beaucoup de travail mais ça se présente très bien. Cette année, notre édition est encore plus riche que les années précédentes : un peu plus de compagnies invitées, des groupes un peu plus nombreux. Comme d’habitude il y a toujours quelques pépins. Par exemple, le groupe croate ne pourra malheureusement pas être avec nous. En revanche, nous avons réussi à « arracher » les visas du groupe indien, de même pour les Russes dont nous avons pu résoudre les problèmes administratifs… Tout se met donc en place, et surtout nous avons à présent une équipe très bien rodée. La ville commence à s’en rendre compte : le CREARC ce n’est pas seulement Fernand Garnier, c’est aussi une équipe de jeunes qui, pour la plupart, ont été embauchés avec peu de qualifications et ont été formés au CREARC. C’est cela qui fonctionne très bien : une synergie entre des jeunes et un pôle de réflexion plus âgé, les deux se nourrissant mutuellement, ce qui donne une équipe extrèmement performante.