François Armanet et Elisabeth Quin proposent aux éditions Flammarion un recueil de textes et, surtout, de photographies baptisé Le Détail qui tue et consacré au style d’un certain nombre de célébrités iconiques, analysé dans ses moindres détails.
La revue de détail
Que la préface du grand-couturier Azzedine Alaïa ne trompe ou ne rebute pas le lecteur : si Le Détail qui tue aura de quoi ravir les amoureux de la mode et de son histoire, les réfractaires à toutes conventions vestimentaires ou les Fashion Haters trouveront également leur compte en parcourant cet ouvrage qui choisit de parler de style sans frivolité, et sans jamais omettre la personnalité ou le contexte historique de celui qui l’arbore.
Il n’est pas ici question d’exhiber des mannequins anorexiques laminés via Photoshop, portant vêtements ou accessoires absurdes et hors de prix en affichant un sourire glacé aux dents inquiétantes ou, à l’inverse, une moue sévère se voulant sensuelle. Les « modèles » que propose l’ouvrage sont des personnalités d’influence : écrivains, chanteurs, acteurs, qui pour beaucoup ont à leur manière contribué à changer, sinon le monde, au moins leur monde.
Dès lors, la multiplicité des sujets laisse pantois, et cela d’autant plus que les auteurs ont choisi de classer les photographies par familles de vêtements et non par thèmes, donnant naissance à des voisinages surprenants qui réservent des surprises à chaque page. On trouvera ainsi un Marcel Proust mal fagoté partager sa page avec le portrait décadent d’un Pete Doherty cigarette à la lèvre, ou un William Faulkner dans une tenue des plus rudimentaires précéder un portrait des Beatles dans lequel Yoko, comme le veut son caractère, s’invite sans trop de gène.
Histoire du style, style d’une histoire
Il est ici question de style, pas de quête du beau : aux côtés de portraits aussi glamour que ceux d’un Alain Delon, chemise ouverte et pectoraux de rigueur contemplant l’écume, ou d’une Dolly Parton, poupée country à la poitrine et la chevelure improbables posant auprès d’une Cadillac, on trouvera le regard goguenard du tout jeune John Lydon, alias Johnny Rotten des Sex Pistols, enfant punk trouvant dans les poubelles et les boutiques « destroy » du Londres thatcherien son look entièrement voué à la provocation.
Histoire, toujours et encore : dix ans avant les punks, la jeunesse britannique du swinging London s’illustre dans la chemise à fleurs de Keith Richards ou les pattes d’eph de Marianne Faithful. Tandis que le portrait de Thelonious Monk et ses camarades nous parle du Harlem des années 40 et semble répondre à celui d’André Breton et de ses acolytes dadaïstes, pape du surréalisme en devenir, dans un Paris des années 20 en proie à l’émeute littéraire.
La classe des inclassables
Une fois passée l’histoire restent les individus. Elvis Presley au bord de la piscine portant le pull à grosses mailles tricoté par sa mère. Jacques Prévert au regard mélancolique, Sacha Guitry au regard bas, Jeanne Moreau au regard las : bien des sujets s’imposent au-delà même de leur style, quand le photographe ne les sublime pas, telle Greta Garbo posant aux côtés du lion de la MGM. Les corps fascinent tout autant : Elisabeth Taylor en maillot de bain « panthère » tenant par la main son bébé portant même motif, Sigourney Weaver orageuse du haut de son mètre quatre-vingt-deux, ou Marlon Brando, sex-symbol au débardeur de travers, souverain.
Et demeure, peut-être la plus belle d’entre-toutes, le portrait d’Amélie Earhart, pilote aventurière, pionnière et héroïne de la cause de femmes, posant neuf ans avant sa disparition toujours inexpliquée au dessus des flots du Pacifique. Esthétiquement parfaite, comme nombre de photographies contenues dans ce splendide ouvrage que l’on parcourt avec enthousiasme et ravissement. Bref : un bouquin qui tue.
Le Détail qui tue
de François Armanet et Élisabeth Quin
Préfacé par Azzedine Alaïa
Éditions Flammarion
268 pages, 35 €