Le non-recours : une réalité dissimulée

Deux ans après la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA), la moitié des personnes susceptibles d’en bénéficier n’en font pas la demande. C’est ce que révèle le Comité national d’évaluation du RSA dans son rapport final paru fin 2011. Ce sont ainsi près de 4 milliards d’euros qui ont été « économisés » en 2010. Autre exemple : l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) est encore « boudée » à 80 %, six ans après sa création.

On parle de « non-recours » quand une personne ne bénéficie pas d’une prestation sociale à laquelle elle a droit, qu’elle en connaisse l’existence ou pas. C’est au milieu des années 90, avec la multiplication des aides, que cette réalité est repérée en France. En quelques années, ce thème s’impose dans l’évaluation des politiques sociales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion : il s’agit de s’assurer que l’offre publique atteint bien ceux qu’elle vise.

Une meilleure information suffirait-elle à faire baisser le taux de non-recours, comme on le présuppose le plus souvent ?

Aujourd’hui, la complexité des dispositifs rend l’information sur les droits plus difficile. C’est typiquement le cas du RSA « activité » qu’un ayant-droit sur trois ne demande pas. La lourdeur des démarches nécessaires à l’obtention ou au renouvellement d’un droit en décourage plus d’un ; tout comme des délais d’attente exagérément longs, plus de huit mois actuellement pour l’AAH (Allocation Adulte Handicapé). Le non-recours à l’hébergement d’urgence ou au logement social en sont aussi une criante illustration.

On ne peut nier les efforts faits pour une meilleure accessibilité aux droits : amélioration de l’information, accompagnement des personnes dans leurs démarches, simplification des procédures, etc.

Mais ces dispositifs sont-ils toujours bien adaptés aux objectifs poursuivis ?

Ainsi, le RSA « activité » a été pensé pour une catégorie de travailleurs à faibles revenus, bénéficiant de contrats de travail à temps partiel relativement stables. Dans le contexte actuel de forte dégradation du marché de l’emploi, le dispositif ne semble pas adapté à la mobilité importante des bénéficiaires, dont l’accès à l’emploi est épisodique. Il tendrait à ajouter de la précarité à la précarité : entrées/sorties fréquentes, impossibilité d’évaluer le montant de son allocation, remboursement d’indus, etc. Il ne serait alors pas suffisamment attractif au regard de ses inconvénients.

Enfin, il conviendrait de s’interroger sur certaines formes de non-recours « volontaires » qui sont tout simplement ignorées, comme s’il était impensable d’imaginer que, dans l’un des systèmes de protection sociale les plus « généreux » au monde, on puisse dédaigner une aide publique. L’importance accordée à la lutte contre la fraude sociale montre au contraire combien les individus sont toujours suspectés d’être mûs par la volonté de « profiter du système ». Le refus d’être « assisté », « stigmatisé », « dépendant » ou « redevable » a pourtant toujours existé. Il suggère que, même pauvre et précaire, on peut décider de renoncer à une aide financière. Ce non-recours « volontaire » mériterait d’être plus souvent évoqué pour contrer la rhétorique insupportable de l’assistanat et de la fraude sociale.

 

Pour plus d’informations, consultez le site d’Odenore (Observatoire DEs NOn-REcours aux droits et services)